tag:blogger.com,1999:blog-59665375070691370832024-03-12T16:31:39.531-07:00Victor Sossou études & projetsAnonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.comBlogger12125tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-59959475314863374112013-11-30T07:24:00.000-08:002013-11-30T07:24:51.491-08:00Midnight-Sun s'occupent de la conception, de la réalisation, de l’exploitation et de la réhabilitation d’ouvrages de construction et d’infrastructures dont nous assurons la gestion<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL35wfvS3__3fxsXZiyUnbSV9I5u-pkFEFX-lpaHhm29S7tI4vsmhVdFMcSiXO5YAc-ByrDFgvuqk0NYsJ2rTAETrzts2jt1K4URETXl5r0cn0vll9vxgQOhh5Dvs6JzolE3qzwBPIxaA/s1600/IMG_3676.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL35wfvS3__3fxsXZiyUnbSV9I5u-pkFEFX-lpaHhm29S7tI4vsmhVdFMcSiXO5YAc-ByrDFgvuqk0NYsJ2rTAETrzts2jt1K4URETXl5r0cn0vll9vxgQOhh5Dvs6JzolE3qzwBPIxaA/s320/IMG_3676.jpg" width="320" /></a></div>
Midnight-Sun s'occupent de la conception, de la réalisation, de l’exploitation et de la réhabilitation d’ouvrages de construction et d’infrastructures
dont nous assurons la gestion afin de répondre aux besoins de la
société, tout en assurant la sécurité du public et la protection de l’environnement. <br />
<br />
Très variées, nos réalisations se répartissent principalement dans quatre grands domaines d’intervention:<br />
<br />
- le gros oeuvre (bâtiments, etc...)<br />
- les infrastructures de transport ( routes, ouvrages d'art, canaux, etc....)<br />
- les constructions hydrauliques ( barrages, digues, jetées, etc...)<br />
- les infrastructures urbains ( canalisations, égouts, etc...)Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-73983534610992898842013-11-30T07:21:00.002-08:002013-11-30T07:21:20.827-08:00Chacune des Parties visées à l'annexe I met en place, au plus tard un an avant le début de la première période d'engagement, un système national lui permettant d'estimer les émissions anthropiques par les sources et l'absorption par les puits de tous les gaz à effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal.Le niveau respectif d'émissions attribué à chacune des Parties à l'accord est indiqué dans celui-ci. : <a href="http://togoportail.net/Candidats-de-UNIR-a-l-assaut-des">Victor James Sossou</a>
Les Parties à tout accord de ce type en notifient les termes au
secrétariat à la date du dépôt de leurs instruments de ratification,
d'acceptation ou d'approbation du présent Protocole ou d'adhésion à
celui-ci. Le secrétariat informe à son tour les Parties à la Convention
et les signataires des termes de l'accord. : <a href="http://tribudumonde.free.fr/index.php/L-association/Membres-actifs.html">Victor James Sossou</a>
Tout accord de ce type reste en vigueur pendant la durée de la période d'engagement spécifiée au paragraphe 7 de l'article 3. : <a href="http://midnightsun-grp.com/Accueil.htm">Victor James Sossou</a>
Si des Parties agissant conjointement le font dans le cadre d'une
organisation régionale d'intégration économique et en concertation avec
elle, toute modification de la composition de cette organisation
survenant après l'adoption du présent Protocole n'a pas d'incidence sur
les engagements contractés dans cet instrument. Toute modification de
la composition de l'organisation n'est prise en considération qu'aux
fins des engagements prévus à l'article 3 qui sont adoptés après cette
modification. : <a href="http://www.embassypages.com/missions/embassy8036/">Victor James Sossou</a>
Si les Parties à un accord de ce type ne parviennent pas à atteindre le
total cumulé prévu pour elles en ce qui concerne les réductions
d'émissions, chacune d'elles est responsable du niveau de ses propres
émissions fixé dans l'accord. : <a href="http://atoptogo.blogspot.fr/2012/10/bulletin-atop-du-25-octobre.html">Victor James Sossou</a>
Si des Parties agissant conjointement le font dans le cadre d'une
organisation régionale d'intégration économique qui est elle-même
Partie au présent Protocole et en concertation avec elle, chaque Etat
membre de cette organisation régionale d'intégration économique, à
titre individuel et conjointement avec l'organisation régionale
d'intégration économique agissant conformément à l'article 24, est
responsable du niveau de ses émissions tel qu'il a été notifié en
application du présent article dans le cas où le niveau total cumulé
des réductions d'émissions ne peut pas être atteint. : <a href="http://africinfos.centerblog.net/2.html">Victor James Sossou</a>
Chacune des Parties visées à l'annexe I met en place, au plus tard un
an avant le début de la première période d'engagement, un système
national lui permettant d'estimer les émissions anthropiques par les
sources et l'absorption par les puits de tous les gaz à effet de serre
non réglementés par le Protocole de Montréal. La Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties au présent Protocole arrête à sa
première session le cadre directeur de ces systèmes nationaux, dans
lequel seront mentionnées les méthodologies spécifiées au paragraphe 2
ci-dessous. : <a href="http://www.mzv.sk/en/consular_info/slovak_honorary_consulates_abroad">Victor James Sossou</a>
Les méthodologies d'estimation des émissions anthropiques par les
sources et de l'absorption par les puits de tous les gaz à effet de
serre non réglementés par le Protocole de Montréal sont celles qui sont
agréées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat et approuvées par la Conférence des Parties à sa troisième
session. Lorsque ces méthodologies ne sont pas utilisées, les
ajustements appropriés sont opérés suivant les méthodologies arrêtées
par la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au
présent Protocole à sa première session. En se fondant, notamment, sur
les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat et sur les conseils fournis par l'Organe subsidiaire de conseil
scientifique et technologique, la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties au présent Protocole examine régulièrement et, s'il
y a lieu, révise ces méthodologies et ces ajustements, en tenant
pleinement compte de toute décision pertinente de la Conférence des
Parties. Toute révision des méthodologies ou des ajustements sert
uniquement à vérifier le respect des engagements prévus à l'article 3
pour toute période d'engagement postérieure à cette révision. : <a href="http://www.peekyou.com/_sossou">Victor James Sossou</a>
Les potentiels de réchauffement de la planète servant à calculer
l'équivalent-dioxyde de carbone des émissions anthropiques par les
sources et de l'absorption par les puits des gaz à effet de serre
indiqués à l'annexe A sont ceux qui sont agréés par le Groupe d'experts
intergouvernemental sur l'évolution du climat et approuvés par la
Conférence des Parties à sa troisième session. En se fondant,
notamment, sur les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat et sur les conseils fournis par l'Organe
subsidiaire de conseil scientifique et technologique, la Conférence des
Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole examine
régulièrement et, le cas échéant, révise le potentiel de réchauffement
de la planète correspondant à chacun de ces gaz à effet de serre en
tenant pleinement compte de toute décision pertinente de la Conférence
des Parties. Toute révision d'un potentiel de réchauffement de la
planète ne s'applique qu'aux engagements prévus à l'article 3 pour
toute période d'engagement postérieure à cette révision. : <a href="http://fr.viadeo.com/fr/profile/victor.sossou1">Victor James Sossou</a>
1. Afin de remplir ses engagements au titre de larticle 3, toute
Partie visée à lannexe I peut céder à toute autre Partie ayant le même
statut, ou acquérir auprès delle, des unités de réduction des
émissions découlant de projets visant à réduire les émissions
anthropiques par les sources ou à renforcer les absorptions
anthropiques par les puits de gaz à effet de serre dans tout secteur de
léconomie, pour autant que: a) Tout projet de ce type ait lagrément
des Parties concernées; b) Tout projet de ce type permette une
réduction des émissions par les sources, ou un renforcement des
absorptions par les puits, sajoutant à ceux qui pourraient être
obtenus autrement; c) La Partie concernée ne puisse acquérir aucune
unité de réduction des émissions si elle ne se conforme pas aux
obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 7; d)
Lacquisition dunités de réduction des émissions vienne en complément
des mesures prises au niveau national dans le but de remplir les
engagements prévus à larticle 3. : <a href="https://www.facebook.com/public/Victor-Sossou">Victor James Sossou</a>
2. La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au
présent Protocole peut, à sa première session ou dès que possible après
celle-ci, élaborer plus avant des lignes directrices pour la mise en
uvre du présent article, notamment en ce qui concerne la vérification
et létablissement de rapports. : <a href="http://aliaz.com/victor-sossou">Victor James Sossou</a>
3. Une Partie visée à lannexe I peut autoriser des personnes morales à
participer, sous sa responsabilité, à des mesures débouchant sur la
production, la cession ou lacquisition, au titre du présent article,
dunités de réduction des émissions. 4. Si une question relative à
lapplication des prescriptions mentionnées dans le présent article est
soulevée conformément aux dispositions pertinentes de larticle 8, les
cessions et acquisitions dunités de réduction des émissions pourront
se poursuivre après que la question aura été soulevée, étant entendu
quaucune Partie ne pourra utiliser ces unités pour remplir ses
engagements au titre de larticle 3 tant que le problème du respect des
obligations naura pas été réglé. : <a href="http://victorsossou.tumblr.com/">Victor James Sossou</a>
1. Chacune des Parties visées à lannexe I fait figurer dans son
inventaire annuel des émissions anthropiques par les sources et de
labsorption par les puits des gaz à effet de serre non réglementés par
le Protocole de Montréal, établi conformément aux décisions pertinentes
de la Conférence des Parties, les informations supplémentaires qui sont
nécessaires pour sassurer que les dispositions de larticle 3 sont
respectées et qui doivent être déterminées conformément au paragraphe 4
ci-après. : <a href="https://twitter.com/victorsossou">Victor James Sossou</a>
2. Chacune des Parties visées à lannexe I fait figurer dans la
communication nationale quelle établit conformément à larticle 12 de
la Convention les informations supplémentaires qui sont nécessaires
pour faire la preuve quelle sacquitte de ses engagements au titre du
présent Protocole, et qui doivent être déterminées conformément au
paragraphe 4 ci-après. : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/">Victor James Sossou</a>Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-78722847101279464872013-11-30T07:20:00.002-08:002013-11-30T07:20:27.274-08:00Réduction progressive ou suppression graduelle des imperfections du marché, des incitations fiscales, des exonérations d'impôt et de droits et des subventions qui vont à l'encontre de l'objectif de la Convention, dans tous les secteurs émettant des gaz à effet de serre et application d'instruments du marchéRéduction progressive ou suppression graduelle des imperfections du
marché, des incitations fiscales, des exonérations d'impôt et de droits
et des subventions qui vont à l'encontre de l'objectif de la
Convention, dans tous les secteurs émettant des gaz à effet de serre et
application d'instruments du marché ; : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/vous-avez-raison-de-croire-aux.html">Victor James Sossou</a>
vi) Encouragement de réformes appropriées dans les secteurs pertinents
en vue de promouvoir les politiques et mesures ayant pour effet de
limiter ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont
pas réglementés par le Protocole de Montréal ; : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou_05/">Victor James Sossou</a>
vii) Adoption de mesures visant à limiter ou à réduire les émissions de
gaz à effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal dans
le secteur des transports ; : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou/">Victor James Sossou</a>
viii) Limitation et/ou réduction des émissions de méthane grâce à la
récupération et à l'utilisation dans le secteur de la gestion des
déchets ainsi que dans la production, le transport et la distribution
de l'énergie ; : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou_06/">Victor James Sossou</a>
b) Coopère avec les autres Parties visées pour renforcer l'efficacité
individuelle et globale des politiques et mesures adoptées au titre du
présent article, conformément au sous-alinéa i) de l'alinéa e) du
paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention. A cette fin, ces Parties
prennent des dispositions en vue de partager le fruit de leur
expérience et d'échanger des informations sur ces politiques et
mesures, notamment en mettant au point des moyens d'améliorer leur
comparabilité, leur transparence et leur efficacité. A sa première
session ou dès qu'elle le peut par la suite, la Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties au présent Protocole étudie les
moyens de faciliter cette coopération en tenant compte de toutes les
informations pertinentes. : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/a-ses-yeux-cetait-un-traite-lexecution-lui-semblait-seulement-devoir-etre-differee-ou-eludee/">Victor James Sossou</a>
Les Parties visées à l'annexe I cherchent à limiter ou réduire les
émissions de gaz à effet de serre non réglementées par le Protocole de
Montréal provenant des combustibles de soute utilisés dans les
transports aériens et maritimes, en passant par l'intermédiaire de
l'Organisation de l'aviation civile internationale et de l'Organisation
maritime internationale, respectivement. : <a href="http://victorsossou.wordpress.com/car-nous-nous-refusons-a-croire-encore-quil-soit-de-ceux-quil-peignait-si-bien-et-qui-sont-trop-desesperes-pour-redouter-de-tels-contrastes-et-ne-pas-en-etre-honteux/">Victor James Sossou</a>
Les Parties visées à l'annexe I s'efforcent d'appliquer les politiques
et les mesures prévues dans le présent article de manière à réduire au
minimum les effets négatifs, notamment les effets néfastes des
changements climatiques, les répercussions sur le commerce
international et les conséquences sociales, environnementales et
économiques pour les autres Parties, surtout les pays en développement
Parties et plus particulièrement ceux qui sont désignés aux paragraphes
8 et 9 de l'article 4 de la Convention, compte tenu de l'article 3 de
celle-ci. La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties
au présent Protocole pourra prendre, selon qu'il conviendra, d'autres
mesures propres à faciliter l'application des dispositions du présent
paragraphe. : <a href="http://www.icilome.com/nouvelles/news.asp?id=2013&idnews=758904">Victor James Sossou</a>
Si elle décide qu'il serait utile de coordonner certaines des
politiques et des mesures visées à l'alinéa a) du paragraphe 1
ci-dessus, compte tenu des différentes situations nationales et des
effets potentiels, la Conférence des Parties agissant comme réunion des
Parties au présent Protocole étudie des modalités propres à organiser
la coordination de ces politiques et mesures. : <a href="http://www.pa-lunion.com/Semodji-Djossou-et-Victor-Sossou.html">Victor James Sossou</a>
Les Parties visées à l'annexe I font en sorte, individuellement ou
conjointement, que leurs émissions anthropiques agrégées, exprimées en
équivalent dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre indiqués à
l'annexe A ne dépassent pas les quantités qui leur sont attribuées,
calculées en fonction de leurs engagements chiffrés en matière de
limitation et de réduction des émissions inscrits à l'annexe B et
conformément aux dispositions du présent article, en vue de réduire le
total de leurs émissions de ces gaz d'au moins 5 % par rapport au
niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à
2012. : <a href="http://malfakassa.info/?p=225">Victor James Sossou</a>
Chacune des Parties visées à l'annexe I devra avoir accompli en 2005,
dans l'exécution de ses engagements au titre du présent Protocole, des
progrès dont elle pourra apporter la preuve. : <a href="http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Medias/Victor-James-Sossou-travaille-plus-vite-que-son-ombre">Victor James Sossou</a>
Les variations nettes des émissions de gaz à effet de serre par les
sources et de l'absorption par les puits résultant d'activités humaines
directement liées au changement d'affectation des terres et à la
foresterie et limitées au boisement, au reboisement et au déboisement
depuis 1990, variations qui correspondent à des variations vérifiables
des stocks de carbone au cours de chaque période d'engagement, sont
utilisées par les Parties visées à l'annexe I pour remplir leurs
engagements prévus au présent article. Les émissions des gaz à effet de
serre par les sources et l'absorption par les puits associées à ces
activités sont notifiées de manière transparente et vérifiable et
examinées conformément aux articles 7 et 8. : <a href="http://www.anctogo.com/2012-les-hommes-et-les-faits-qui-ont-marque-lannee-au-togo-9244">Victor James Sossou</a>
Avant la première session de la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties au présent Protocole, chacune des Parties visées à
l'annexe I fournit à l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et
technologique, pour examen, des données permettant de déterminer le
niveau de ses stocks de carbone en 1990 et de procéder à une estimation
des variations de ses stocks de carbone au cours des années suivantes.
A sa première session, ou dès que possible par la suite, la Conférence
des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole
arrête les modalités, règles et lignes directrices à appliquer pour
décider quelles activités anthropiques supplémentaires ayant un rapport
avec les variations des émissions par les sources et de l'absorption
par les puits des gaz à effet de serre dans les catégories constituées
par les terres agricoles et le changement d'affectation des terres et
la foresterie doivent être ajoutées aux quantités attribuées aux
Parties visées à l'annexe I ou retranchées de ces quantités et pour
savoir comment procéder à cet égard, compte tenu des incertitudes, de
la nécessité de communiquer des données transparentes et vérifiables,
du travail méthodologique du Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat, des conseils fournis par l'Organe subsidiaire de
conseil scientifique et technologique conformément à l'article 5 et des
décisions de la Conférence des Parties. Cette décision vaut pour la
deuxième période d'engagement et pour les périodes suivantes. Une
Partie peut l'appliquer à ces activités anthropiques supplémentaires
lors de la première période d'engagement pour autant que ces activités
aient eu lieu depuis 1990. : <a href="http://togoenvogue.com/article-2616-education-james-sossou-victor-parrain-du-groupe-de-presse-campus-m-dia-7.html">Victor James Sossou</a>
Les Parties visées à l'annexe I qui sont en transition vers une
économie de marché et dont l'année ou la période de référence a été
fixée conformément à la décision 9/CP.2, adoptée par la Conférence des
Parties à sa deuxième session, remplissent leurs engagements au titre
du présent article en se fondant sur l'année ou la période de
référence. Toute autre Partie visée à l'annexe I qui est en transition
vers une économie de marché et qui n'a pas encore établi sa
communication initiale en application de l'article 12 de la Convention
peut aussi notifier à la Conférence des Parties agissant comme réunion
des Parties au présent Protocole son intention de retenir une année ou
une période de référence historique autre que 1990 pour remplir ses
engagements au titre du présent article. La Conférence des Parties
agissant comme réunion des Parties au présent Protocole se prononce sur
l'acceptation de cette notification. : <a href="http://elections2013.ecovisionafrik.com/2013/07/23/victor-sossou-met-les-bouchees-doubles-dans-le-moyen-mono/">Victor James Sossou</a>
Compte tenu du paragraphe 6 de l'article 4 de la Convention, la
Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent
Protocole accorde aux Parties visées à l'annexe I qui sont en
transition vers une économie de marché une certaine latitude dans
l'exécution de leurs engagements autres que ceux visés au présent
article. : <a href="http://togoinfos.com/spip.php?page=article&id_article=807">Victor James Sossou</a>
Au cours de la première période d'engagements chiffrés en matière de
limitation et de réduction des émissions, allant de 2008 à 2012, la
quantité attribuée à chacune des Parties visées à l'annexe I est égale
au pourcentage, inscrit pour elle à l'annexe B, de ses émissions
anthropiques agrégées, exprimées en équivalentdioxyde de carbone, des
gaz à effet de serre indiqués à l'annexe A en 1990, ou au cours de
l'année ou de la période de référence fixée conformément au paragraphe
5 cidessus, multiplié par cinq. Les Parties visées à l'annexe I pour
lesquelles le changement d'affectation des terres et la foresterie
constituaient en 1990 une source nette d'émissions de gaz à effet de
serre prennent en compte dans leurs émissions correspondant à l'année
ou à la période de référence, aux fins du calcul de la quantité qui
leur est attribuée, les émissions anthropiques agrégées par les
sources, exprimées en équivalentdioxyde de carbone, déduction faite des
quantités absorbées par les puits en 1990, telles qu'elles résultent du
changement d'affectation des terres. : <a href="http://togoinfos.net/spip.php?article95">Victor James Sossou</a>
Toute Partie visée à l'annexe I peut choisir 1995 comme année de
référence aux fins du calcul visé au paragraphe 7 cidessus pour les
hydrofluorocarbones, les hydrocarbures perfluorés et l'hexafluorure de
soufre. : <a href="https://plus.google.com/101734362750611186161/posts">Victor James Sossou</a>
Pour les Parties visées à l'annexe I, les engagements pour les périodes
suivantes sont définis dans des amendements à l'annexe B du présent
Protocole qui sont adoptés conformément aux dispositions du paragraphe
7 de l'article 21. La Conférence des Parties agissant comme réunion des
Parties au présent Protocole entame l'examen de ces engagements sept
ans au moins avant la fin de la première période d'engagement visée au
paragraphe 1 cidessus. : <a href="http://oeildafrique.blogspirit.com/archive/2010/10/17/par-victor-sossou.html">Victor James Sossou</a>
Toute unité de réduction des émissions, ou toute fraction d'une
quantité attribuée, qu'une Partie acquiert auprès d'une autre Partie
conformément aux dispositions des articles 6 ou 17 est ajoutée à la
quantité attribuée à la Partie qui procède à l'acquisition. : <a href="http://www.polemiqalement-votre.org/legislatives-2013-unir-lance-sa-campagne-dans-le-moyen-mono/">Victor James Sossou</a>
Toute unité de réduction des émissions, ou toute fraction d'une
quantité attribuée, qu'une Partie cède à une autre Partie conformément
aux dispositions des articles 6 ou 17 est soustraite de la quantité
attribuée à la Partie qui procède à la cession. : <a href="http://www.aget-togo.org/entreprises-togo-84-MIDNIGHT-SUN-%E2%80%93-SA-%28MNS%29.html">Victor James Sossou</a>
Toute unité de réduction certifiée des émissions qu'une Partie acquiert
auprès d'une autre Partie conformément aux dispositions de l'article 12
est ajoutée à la quantité attribuée à la Partie qui procède à
l'acquisition. : <a href="http://embassy-finder.com/fr/slovakia_in_lome_togo">Victor James Sossou</a>
Si les émissions d'une Partie visée à l'annexe I au cours d'une période
d'engagement sont inférieures à la quantité qui lui est attribuée en
vertu du présent article, la différence est, à la demande de cette
Partie, ajoutée à la quantité qui lui est attribuée pour les périodes
d'engagement suivantes. : <a href="http://togo24heures.com/index.php/fr/parutions-du-jour.html">Victor James Sossou</a>
Chacune des Parties visées à l'annexe I s'efforce de s'acquitter des
engagements mentionnés au paragraphe 1 cidessus de manière à réduire au
minimum les conséquences sociales, environnementales et économiques
néfastes pour les pays en développement Parties, en particulier ceux
qui sont désignés aux paragraphes 8 et 9 de l'article 4 de la
Convention. Dans le droit fil des décisions pertinentes de la
Conférence des Parties concernant l'application de ces paragraphes, la
Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent
Protocole examine, à sa première session, les mesures nécessaires pour
réduire au minimum les effets des changements climatiques et/ou
l'impact des mesures de riposte sur les Parties mentionnées dans ces
paragraphes. Parmi les questions à examiner figurent notamment la mise
en place du financement, l'assurance et le transfert de technologies. :
<a href="http://www.focusinfos.net/index.php?option=com_content&view=article&id=1671:2013-10-30-10-36-11&catid=2:politique&Itemid=44">Victor James Sossou</a>
Toutes les Parties visées à l'annexe I qui se sont mises d'accord pour
remplir conjointement leurs engagements prévus à l'article 3 sont
réputées s'être acquittées de ces engagements pour autant que le total
cumulé de leurs émissions anthropiques agrégées, exprimées en
équivalent-dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre indiqués à
l'annexe A ne dépasse pas les quantités qui leur sont attribuées,
calculées en fonction de leurs engagements chiffrés de limitation et de
réduction des émissions inscrits à l'annexe B et conformément aux
dispositions de l'article 3.Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-5683692356604159662013-11-30T07:19:00.003-08:002013-11-30T07:19:27.739-08:00Étant donné l'ampleur de ses applications, l'architecture est une activité plus proche des arts et métiers qu'une activité scientifique rigoureuse. Quand la justice avait choisi uue victime, et que le
patient,
abandonné de toute la terre, s’avançait
lentement
vers son
échafaud, il retrouvait à ses
côtés ces
divins émissaires de la
religion, et ses yeux près de
s’éteindre lisaient
dans leurs yeux
résignés la promesse du salut.» Leurs
fastes
modernes s’enrichissaient toutefois des plus
illustres souvenirs. Ils avaient vu de puissants monarques abdiquer
la pourpre devant leurs autels, et ils gardaient, dans leurs
reliquaires, le sceptre d’Amédée et la
double
couronne de
Charles-Quint.» Ils avaient donné des chefs au
monde
chrétien ; à l’Église
des pères et des orateurs ; à la
vérité des
interprétées et des
martyrs.» Leurs fondateurs étaient des
élus que
Dieu avait inspirés ;
leurs réformateurs, de courageux enthousiastes que
l’infortune
avait instruits.» C’est au milieu d’eux
que
mûrit le génie de ce <a href="http://www.peekyou.com/_sossou">Victor Sossou</a>
L’édition de fra Giovanni Giocondo,
publiée en 1511
à Venise, avec les caractères de Giovanni Tacuino
(it),
revêt une importance majeure car elle constitue la
première édition illustrée du
traité, qui
sera réimprimée successivement. Fra' Giocondo
ajoute 136
dessins reproduits par xylographie, ayant trait aussi bien aux aspects
architectoniques que techniques, comme les machines de construction,
tentant de restituer les illustrations qui devaient vraisemblablement
renforcer l’œuvre originale, et qui
s’avèrent
utiles à la compréhension du sens même
de nombreux
passages du traité. : <a href="http://fr.viadeo.com/fr/profile/victor.sossou1">Victor
Sossou</a>
Étant donné l'ampleur de ses applications,
l'architecture
est une activité plus proche des arts et métiers
qu'une
activité scientifique rigoureuse. L'architecture fait
d'abord
appel à des savoirs organisés en un ensemble qui
lui est
particulier par son application à la construction tels que
la
composition, la géométrie, la morphologie,
l'ornementation, l'harmonie, en même temps que le
métré, la statique et le droit classiques
à la
construction; L'architecture va puiser d'abord dans les savoir-faire
des différents beaux-arts et des différents
métiers du bâtiment. Mais l'architecture va aussi
puiser
dans les ressources de différentes disciplines scientifiques
:
la géologie, la résistance des
matériaux ainsi que
dans les différentes sciences humaines comme
l'anthropologie, la
sociologie, la psychologie (ergonomie), l'écologie ou la
géographie. L'architecture puise aussi dans l'histoire. : <a href="https://www.facebook.com/public/Victor-Sossou">Victor
Sossou</a>
L’édition corrigée de Cesare Cesariano
est la
première parue en langue vulgaire italienne (1521)4. On entend par «
Conférence des Parties » la Conférence des Parties à la Convention. : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/nous-ne-savons-rien-de-q-publius.html">Victor James Sossou</a>
On entend par « Convention » la Convention-cadre des Nations Unies sur
les changements climatiques, adoptée à New York le 9 mai 1992. : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/le-monument-du-forum-represente.html">Victor James Sossou</a>
On entend par « Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat » le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat créé conjointement par l'Organisation météorologique mondiale et
le Programme des Nations Unies pour l'environnement en 1988. : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/vous-appartenez-une-ecole-qui-bien.html">Victor James Sossou</a>
On entend par « Protocole de Montréal » le Protocole de Montréal de
1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone,
adopté à Montréal le 16 septembre 1987, tel qu'il a été adapté et
modifié ultérieurement. : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/possedant-le-don-si-rare-de-conter-en.html">Victor James Sossou</a>
On entend par « Parties présentes et votantes » les Parties présentes qui expriment un vote affirmatif ou négatif. : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/les-humbles-vous-sont-chers-et-ils-vous.html">Victor James Sossou</a>
Chacune des Parties visées à l'annexe I, pour s'acquitter de ses
engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction prévus à
l'article 3, de façon à promouvoir le développement durable : : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/ceux-qui-ont-un-gout-exclusif-pour-les.html">Victor James Sossou</a>
a) Applique et/ou élabore plus avant des politiques et des mesures, en
fonction de sa situation nationale, par exemple les suivantes : : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/dailleurs-quand-il-vous-plaisait-de.html">Victor James Sossou</a>
i) Accroissement de l'efficacité énergétique dans les secteurs pertinents de l'économie nationale ; : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/quelle-ne-nous-attende-pas-sur-sa.html">Victor James Sossou</a>
ii) Protection et renforcement des puits et des réservoirs des gaz à
effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal, compte
tenu de ses engagements au titre des accords internationaux pertinents
relatifs à l'environnement; promotion de méthodes durables de gestion
forestière, de boisement et de reboisement ; : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/dans-lexageration-de-son-repentir-il.html">Victor James Sossou</a>
iii) Promotion de formes d'agriculture durables tenant compte des considérations relatives aux changements climatiques ; : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/ce-nest-pas-un-philosophe-cest-un.html">Victor James Sossou</a>
iv) Recherche, promotion, mise en valeur et utilisation accrue de
sources d'énergie renouvelables, de technologies de piégeage du dioxyde
de carbone et de technologies écologiquement rationnelles et innovantes
; : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/avant-de-sasseoir-il-avait-marche-tous.html">Victor James Sossou</a>
v) Réduction progressive ou suppression graduelle des imperfections du
marché, des incitations fiscales, des exonérations d'impôt et de droits
et des subventions qui vont à l'encontre de l'objectif de la
Convention, dans tous les secteurs émettant des gaz à effet de serre et
application d'instruments du marché ; :Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-34372277555522057792013-11-30T07:18:00.001-08:002013-11-30T07:18:42.040-08:00Si vous aviez été du monde, le monde aimerait ce qui se- rait de lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, le monde vous hait.Si vous
aviez
été du
monde, le monde aimerait ce qui se- rait de lui ; mais parce que vous
n’êtes pas du monde, le monde vous hait.
C’est pour-
quoi
l’Apôtre nous dit : Ne vous étonnez pas
si le monde
vous hait. Il
y a beaucoup de personnes qui louent la vie solitaire plus
qu’elles
ne doivent : de sorte qu’afin que la louange ne leur soit pas
une
occasion de s’élever et de se laisser surprendre
par la
vanité,
Dieu permet que les méchants s’emportent
à les
blâmer et à les
traiter d’une manière injurieuse, afin que si les
louanges
et les
applaudissements des uns les font tomber dans quelque faute, les
médisances et les mauvais traitements des autres leur
donnent le
moyen de les expier. »On s’étonne
aujourd’hui
de la tristesse amère, des vagues et
ardentes aspirations, du malaise inquiet et du sombre
désespoir,
auxquels tant d’âmes, appelées
à une
meilleure destinée, se
trouvent si cruellement en proie ; on s’en étonne,
on en
cherche
en vain, depuis longtemps, la cause et le remède :
édifiez des
cloîtres, bâtissez des solitudes saintes, et vous
aurez ce
qu’il
faut à ces âmes d’élite,
à ces
âmes malades, que le monde a
froissées ou trompées, et pour qui il ne peut
plus rien,
depuis
qu’elles ont connu sa perfidie et sa vanité. Elles
ne
veulent plus
du monde, et le monde ne veut plus d’elles.Eh bien ! si des
cloîtres manquent à ces âmes, si la
société,
dans son imparfaite organisation, ne leur offre aucun asile
où
elles
puissent se retirer et vivre à l’abri des
atteintes du
vice et des
froides railleries, elles iront chercher la solitude et le repos dans
les forêts et les déserts ; comme les anciens
anachorètes, elles
demanderont à la nature sauvage ce que la
société
leur a refusé.
Oui, lors même que tous les cloîtres seraient
détruits ou fermés,
le grand cloître du désert sera toujours ouvert
pour les
âmes
fatiguées du monde et de ses vaines agitations. Il restera,
ce
cloître indestructible, avec ses cavernes profondes, ses
grottes
mystérieuses, ses vallons ombreux, ses hautes montagnes, ses
retraites inaccessibles, ses promontoires, ses grèves
isolées, ses
rochers connus de l’aigle et battus des flots, et ses
îles
verdoyantes qui rappellent Lérins.Ecoutons parler <a href="http://africinfos.centerblog.net/2.html">Victor Sossou</a> Les
âmes, bien que faîtes les unes et les autres
à
l’image
de Dieu, n’ont pas été
jetées dans un seul
moule. Elles
diffèrent peut-être plus entre elles pour les
inclinations,
qu’entre eux pour les formes, les corps qu’elles
habitent.
Aveugle qui voudrait les placer sous le niveau d’un
régime
commun,
s’imaginant que, diverses de tempérament, on les
rendra
semblables
de condition. S’il en est à qui la vie ordinaire
avec ses
travaux,
ses fêtes et ses plaisirs, convient, il en est pour
lesquelles
cette
vie serait un supplice. Celles qui veulent le monde, sont plus
mêlées
les unes que les autres aux agitations de son existence. Eh bien ! il
est des âmes dont la nature est de se cacher, comme
d’autres de se
montrer ; de vivre d’une vie privée, comme
d’autres
d’une vie
publique ; d’être recueillies et
ignorées, comme
d’autres vues
et répandues.» Que feraient au milieu du monde ces
âmes qui, tout en
chérissant les hommes, éprouvent un tel besoin de
Dieu,
que leurs
pensées le cherchent sans cesse, montent toujours vers lui,
qu’elles
souffrent de tout ce qui les redescend aux choses d’ici-bas,
Que
leur action est de communiquer habituellement avec le principe des
êtres, de pénétrer le nuage qui le
dérobe
aux regards, et
d’arriver à le contempler face à face ?
— On
dirait de célestes
essences à qui toute occupation terrestre, tout soin
matériel sont
contraires.» Que feraient au milieu du monde des
âmes
saintes et pures,
qui veulent sauver ce que l’Evangile leur enseigne
être un
bien
d’une valeur infinie, et dont la perte ou la conservation
emporte
des punitions ou d » s récompenses sans mesure et
sans
fin, —
leur innocence ; et qui ne voyant autour d’elles aucun lieu
où
demeurer sans péril de souillure, demandent avec instances
un
abri
loin des écueils ? — On dirait la colombe sortie
de
l’arche qui
se hâte d’y rentrer, parce que les eaux fangeuses
du
déluge
menacent partout encore sa blancheur.» Que feraient au milieu
du
monde les âmes d’une liberté
rebelle et emportée, que la moindre occasion de
s’émanciper
agite, bouleverse ; qui, toujours en péril de s’en
aller,
rompant
avec la loi, à toutes les erreurs et à toutes les
licences,
s’indignent sous le frein, et qui, victimes une fois du
désordre,
deviendraient promptement ses esclaves ? — On dirait des
hommes
sur
une pente rapide où une faible secousse peut les
précipiter ; ou
bien assis au haut d’un abîme, les pieds en dedans
du
gouffre où
ils peuvent à chaque instant tomber.» Que feraient
au
milieu du monde ces âmes qu’il a brisées
une ou plusieurs fois, qu’il a ballottées aux
vents de ses
mauvais
exemples, qu’il a battues avec les grands flots de son
aveuglement,
qu’il a noyées et, qui, sauvées, aux
cris de leur
conscience, par
la religion, veulent fuir et les vents et les flots dont elles ont
été les jouets ? — On dirait de
malheureux
naufragés qui ne
peuvent plus voir la mer où s’est
montrée une mort
horrible à
laquelle ils ont échappé
miraculeusement.» Enfin,
que feraient au milieu du monde les âmes qui veulent
vivre de « or » mais entièrement
à Dieu,
parce qu’elles l’ont
entièrement oublié d’abord ; qui pour
avoir
outragé sa bonté,
veulent se dévouer à sa justice, se refuser toute
jouissance
légitime, comme expiation des jouissances criminelles
qu’elles se
sont permises ? —On dirait des voyageurs en retard qui
marchent
toujours afin d’arriver au temps
marqué.» Les
siècles qui ne sont pas matérialistes ont
pitié
des
âmes auxquelles ils croient. Ils avouent qu’elles
ne
prospèrent
pas en toute position, de même qu’il est des
plantes qui ne
s’acclimatent pas partout ; qu’il faut aux
âmes
malades par
nature ou par accident un régime à part, des
asiles
salutaires où
elles consultent et soient soignées ;
qu’empêcher la
vivacité
des unes daller aux extrémités du bien,
c’est la
jeter
quelquefois aux extrémités du mal ; que
négliger
de traiter la
souffrance des autres, c’est lui ouvrir la voie à
des
actes
funestes ; qu’il importe de ménager à
celles qui
sont
profondément affligées un autre conseil que le
désespoir au sein
de leurs douleurs, et pour en sortir une autre issue que le tombeau.
»Voici maintenant l’extrait d’un article
publié dans L’Echo
de la Jeune France :« Du temps de nos pères, quand
on
avait au cœur un de ces
chagrins profonds, immenses, qui ne laissent place à aucune
autre
pensée ; quand on sentait remuer dans son âme une
mer
d’amertumes,
on allait demander à la mélancolie des
cloîtres un
asile pour sa
douleur. Las des hommes et du vain bruit des destinées
humaines,
qui
s’agitent et qui tombent en se froissant comme les feuilles
d’automne, on pouvait, quand on le voulait, se trouver seul
dans
le
monde avec Dieu. Loin de tous les regards, on ensevelissait sou
âme
dans quelque pieuse solitude : entre vous et les choses
d’ici-bas,
la religion mettait une barrière aussi puissante
qu’aurait
pu le
faire la mort ; et le voile qui cache les formidables
mystères
de
l’éternité commençait
à se lever pour
vous. Alors personne ne
songeait au suicide : le désespoir, l’ennui, le
remords,
ne
devenaient point leurs propres bourreaux. Ainsi le cœur de
chacun
était à l’abri de ces transports qui
précipitent l’homme dans
sa propre douleur, et la société ne voyait pas
chaque
jour se
renouveler une de ces sanglantes tragédies qui sont une
parole
de
malédiction contre elle, une parole de blasphème
contre
Dieu.» Notre siècle a pour les maladies du
cœur et
les chagrins de
l’âme un remède plus simple et plus
court. Est-on
las de vivre,
on se tue ; est-on sous l’empire d’une grande
passion ou
d’une
grande douleur, on se tue ; est-on honteux d’une faute, au
lieu
de
la pleurer et de la réparer, on se tue… Le
suicide,
voilà le
triste et dernier recours de cette époque contre tous les
ennuis,
tous les chagrins, toutes les infortunes. »Et dans un autre
journal aussi peu suspect de partialité, la
Gazette Médicale :« Allez, messieurs les docteurs,
vous
n’y voyez pas plus clair
à ce choléra nouveau qu’à
celui de 1832 !
Vous ne le guérirez
pas davantage. Ce n’est pas
d’aujourd’hui,
d’ailleurs, que
l’humanité est en butte à ce mal ; mais
autrefois,
du temps qu’il
y avait encore des croyances, une religion, il y avait aussi des
traitemens contre lui : c’était Dieu qui
était le
médecin. Se
sentait-on atteint, on s’en allait à
l’Église
prier Dieu, et
Dieu vous disait le remède ! Et il vous envoyait aux
hôpitaux où
l’on soignait les malades lassés de la vie : ces
hôpitaux,
c’étaient les cloîtres.» Voyez
si l’on
se tue autant là où ces hospices des
âmes,
si ébranlés qu’ils soient, sont
toutefois
demeurés debout. A
Madrid il y eut un suicide l’an dernier. Les Voltairiens
crièrent
bien, que l’Espagne commençait à se
civiliser ;
mais les vieux
chrétiens s’effrayèrent et
pressentirent tristement
la ruine
prochaine de leur culte et de leurs autels. »Laissons
maintenant
Charles Nodier dépeindre cet état
pénible
de l’âme, ce vide affreux, et le
désordre qui en
résulte pour la
société.<a href="http://www.mzv.sk/en/consular_info/slovak_honorary_consulates_abroad">Victor
Sossou</a> un
des plus judicieux observateurs de notre siècle ; son
autorité, en pareille matière, n’est
donc ni
suspecte, ni
récusable ; c’est sa propre expérience,
c’est
son besoin
personnel, c’est le spectacle affligeant des malheurs de la
société, c’est la connaissance de leur
origine
impie et du seul
remède applicable à ces maux, c’est
enfin le
sentiment de la
vérité et de la justice qui lui a
arraché cet aveu
douloureux, et
qui lui a donné assez de courage pour signaler, à
une
époque comme
la nôtre, l’urgente nécessité
des
cloîtres.« L’existence de
l’homme
détrompé est un long supplice ;
ses jours sont semés d’angoisses, et ses souvenirs
sont
pleins de
regrets.» Il se nourrit d’absinthe et de fiel ; le
commerce
de ses
semblables lui est devenu odieux ; la succession des heures le
fatigue ; les soins minutieux qui l’obsèdent,
l’importunent et
le révoltent ; ses propres facultés lui sont
à
charge, et il
maudit, comme Job, l’instant où il a
été
conçu.» Chancelant sous le poids de la tristesse
qui
l’accable, il
s’assied au bord de sa fosse ; et dans l’effusion
de la
douleur
la plus amère, il élève ses yeux vers
le ciel, et
demande à Dieu
si sa Providence l’abandonne.» Si jeune encore et
si
malheureux, désabusé de la vie et de
la société par une expérience
précoce,
étranger aux hommes qui
ont flétri mon cœur, et privé de toutes
les
espérances qui
m’avaient déçu, j’ai
cherché un asile
dans ma misère, et je
n’en ai point trouvé. Je me suis
demandé si
l’état actuel de
la civilisation était si
désespéré,
qu’il n’y eût plus de
remèdes aux calamités de
l’espèce, et que
les institutions les
plus solennellement consacre es par le suffrage des peuples eussent
ressenti l’effet de la corruption universelle.» Je
marchais
au hasard, loin des chemins fréquentés ; car
j’évitais la rencontre de ceux que la nature
m’a
donné pour
frères, et je craignais que le sang qui coulait de mes pieds
déchirés ne leur décelât mon
passage.»
Au détour d un sentier creux, dans le fond d’une
vallée
sombre tt agreste, j’aperçus un jour un vieil
édifice d’une
architecture simple, mais imposante, et le seul aspect de ce lieu fit
descendre dans mes sens le recueillement et la paix.» Je
parvins
au dessous des murailles antiques, en prêtant une
oreille curieuse aux bruits de cette solitude, et je
n’entendis
que
le vent du Nord qui grondait faiblement dans les cours
intérieures,
et le cri des oiseaux de proie qui planaient sur les tours. Je ne
trouvai au dedans que des portes rompues sur leurs gonds
rouillés,
de grands vestibules où les pas de l’homme
n’avaient
point
laissé de traces et des cellules désertes. Puis,
descendant par des
degrés étroits, à la
lumière d’un
soupirail, dans les
souterrains du monastère, je m’avançai
lentement
parmi les débris
de la mort dont ils étaient encombrés ; et
pressé
de me livrer
sans distraction au trouble vague et presque doux que
m’inspirait
la solennité de ces retraites, je m’assis sur les
ais
d’un
cercueil détruit.» Quand je vins à me
rappeler ces
associations vénérables que
je devais voir si peu de temps et regretter tant de fois ; quand je
réfléchis sur cette révolution sans
exemple qui
les avait dévorées
dans sa course de feu, comme pour ravir aux gens de bien
jusqu’à
l’espoir d’une consolation possible ; quand je me
dis dans
l’intimité de mon cœur : ce lieu serait
devenu ton
refuge, mais
on ne t’en a point laissé ; souffrir et mourir,
voilà ta
destination. Oh ! comme elles m’apparurent belles et
touchantes,
les grandes pensées qui présidèrent
à
l’inauguration des
cloîtres, lorsque la société passant
enfin des
horreurs d’une
civilisation excessive aux horreurs infiniment plus
tolérables
de la
barbarie, et dans cette hypothèse où le retour de
l’état de
nature et même du gouvernement patriarcal,
n’était
plus que la
chimère de quelques esprits exaltés, des hommes
d’une austère
vertu et d’un caractère auguste
érigèrent,
comme le dépôt de
toute la morale humaine, les premières constitutions
monastiques.» Ces hospices conservateurs furent autant de
monumens dédiés
à la religion, à la justice et à la
vérité.» La manie de la
perfectibilité,
d’où dérivent toutes nos
déviations et toutes nos erreurs, était
déjà près de renaître ;
le monde allait se policer peut-être encore une fois. Toutes
les
pensées généreuses, toutes les
affections
primitives allaient
s’effacer encore, et des solitaires obscurs
l’avaient
prévu.» Modestes et sublimes dans leur vocation,
ils
n’aspirent qu’à
nous conserver la tradition du beau moral, perdu dans le reste de
l’univers.» Celui qui était riche fait
de ses biens
le patrimoine des
pauvres.» Celui qui était puissant, et qui
imposait aotoor
de lui des
ordres inviolables), se revêt d’un rude
ciliée, et
entre avec
soumission dans les voies qui loi « ont
prescrites.» Celui
qui était brûlant d’amour et de
désirs
renonce aux
plaisirs promis, et creuse un abîme entre son cœur
et le
cœur de
la créature.» Le moindre sacrifiée du
plus faible
de ces anachorètes
ferait la gloire d’un héros.» Examinons
cependant
avec une scrupuleuse attention ce que
cette milice sacrée pouvait avoir de si révoltant
pour
les sages de
notre siècle, et par quels crimes d’humbles
cénobites
s’attirèrent cette animadversion furieuse, unique
dans les
annales
du fanatisme.» C’étaient des anges de
paix qui
s’adonnaient, dans le
silence de la solitude, à la pratique d’une morale
excellente et
pure, et qui ne paraissaient au milieu des hommes que pour leur
apporter quelque bienfait.» Leurs loisirs mêmes
étaient voués à la prière
et à la
charité.» Ils dirigeaient la conscience des
pères ;
ils présidaient à
l’éducation des enfants ; ils
protégeaient comme
les fées, les
premiers jours du nouveau-né ; ils appelaient sur lui les
dons
du
ciel et les lumières de la foi. Plus tard, ils guidaient ses
pas
dans les sentiers difficiles de la vie ; et quand elle touchait
à
son période suprême, ils soutenaient ce
débile
voyageur dans les
avenues du tombeau et lui ouvraient
l’éternité.» Qu’on
ne dise plus que le
malheureux est un anneau brisé
dans la chaîne des êtres.» Le pauvre
expirant sur la
paille était du moins entouré de
leurs exhortations et de leurs secours.» Ils enchantaient de
leurs consolations l’agonie des malades
et la tristesse des prisonniers.» Ils embrassaient tous les
affligés d’une égale compassion.
Leur vive charité s’informait moins de la faute
que du
malheur :
et si l’innocent leur était cher, le coupable ne
leur
était point
odieux. Le crime aussi n’a-t-il pas besoin de
pitié
?» Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-10822313268025797142013-11-30T07:16:00.004-08:002013-11-30T07:16:45.623-08:00Par
une de ces fusions inattendues dont la Russie a le secret, quand une
idée nationale l’échauffe, on vit tous
les partis,
tous les
adversaires, tous les lambeaux disjoints de l’empire
rattachés par
ce mort dans une communion d’enthousiasme. Qui a vu ce
cortége a vu le pays des contrastes sous toutes ses
faces : les prêtres, un clergé nombreux qui
psalmodiait
des
prières, les étudiants des
universités, les petits
enfants des
gymnases, les jeunes filles des écoles de
médecine, les
nihilistes,
reconnaissables à leurs singularités de costume
et de
tenue, le
plaid sur l’épaule pour les hommes, les lunettes
et les
cheveux
coupés ras pour les femmes ; toutes les compagnies
littéraires et
savantes, des députations de tous les points de
l’empire,
de vieux
marchands moscovites, des paysans en touloupe, des laquais et des
mendiants ; dans l’église attendaient les
dignitaires
officiels,
le ministre de l’instruction publique et de jeunes princes de
la
famille impériale. Une forêt de
bannières, de croix
et de
couronnes dominait cette armée en marche ; et suivant que
passait un
de ces tronçons de la Russie, on distinguait des figures
douces
ou
sinistres, des larmes, des prières, des ricanements, des
silences
recueillis ou farouches. Chez les spectateurs du cortège,
les
impressions mobiles se succédaient ; chacun jugeait par ce
qu’il
voyait dans l’instant et croyait voir, tour à
tour,
l’avènement
des classes nouvelles entrant dans l’histoire, la marche
triomphale
de la révolution dans la capitale de Nicolas, la
célébration du
génie de la patrie, la douleur de tout un peuple. Chacun
jugeait
imparfaitement ; ce qui passait, c’était toujours
l’œuvre de
cet homme, formidable et inquiétante, avec ses folies et ses
grandeurs ; aux premiers rangs sans doute et les plus nombreux, ses
clients préférés, les «
pauvres gens
», les « humiliés », les
« offensés », les «
possédés
» même, misérables heureux
d’avoir leur jour et de mener leur avocat sur ce chemin de
gloire
;
mais avec eux et les enveloppant, tout l’incertain et la
confusion
de la vie nationale, telle qu’il l’avait
dépeinte,
toutes les
espérances vagues qu’il avait remuées
chez tous.
Comme on disait
des anciens tsars qu’ils « rassemblaient
» la terre
russe, ce roi
de l’esprit avait rassemblé là le
cœur russe.
La foule se tassa dans la petite église de la Laure, toute
comblée de fleurs, et dans les sépultures
plantées
de bouleaux qui
l’entourent ; la mêlée des conditions et
des partis
s’acheva
dans une Babel de paroles. Devant l’autel,
l’archimandrite
parla
de Dieu et des espérances éternelles ;
d’autres
prirent le corps
pour le porter dans la fosse et y parler de gloire. Discoureurs
officiels, étudiants, comités slavophiles et
libéraux, lettrés et
poëtes, chacun vint expliquer son idéal,
réclamer
pour sa cause
l’esprit qui s’enfuyait et, comme il est
d’usage,
servir son
ambition sur cette tombe. Tandis que le vent de février
emportait
cette éloquence avec les feuilles
séchées et la
poussière des
neiges retournées par la bêche, je
m’efforçais de juger en toute
équité la valeur morale de cet homme et de son
action.
J’étais
aussi perplexe que lorsqu’il faut prononcer sur sa valeur
littéraire. Il avait épanché sur ce
peuple et
réveillé en lui de
la pitié, de la piété même :
mais au prix de
quels excès
d’idées, de quels ébranlements moraux !
Il avait
jeté son cœur
à la foule, ce qui est bien, mais sans le faire
précéder de la
sévère et nécessaire compagne du
cœur, la
raison. J’aurais cherché longtemps mon jugement,
si je
n’avais revu
soudain toute la suite de cette vie, née dans un
hôpital,
éteinte
au début par la misère, la maladie et le chagrin,
continuée en
Sibérie dans les bagnes, les casernes,
pourchassée depuis
sur
toutes les routes par la détresse matérielle et
morale,
toujours
écrasée et ennoblie par un travail
rédempteur.
Alors je compris
que cette âme persécutée
échappait à
notre mesure, fausse parce
qu’elle est unique ; je remis le jugement à Celui
qui a
autant de
poids divers qu’il y a de cœurs et de
destinées. Et
quand je
m’inclinai sur ce refuge de boue qu’il avait eu
tant de
peine à
gagner, en y poussant à mon tour de la neige sur les
couronnes
de
laurier entassées, je ne trouvai d’autre adieu que
les
mots de
l’étudiant à la pauvre fille, les mots
qui
résumaient toute la
foi de Dostoïevsky et devaient lui revenir : « Ce
n’est pas
devant toi que je m’incline ; je me prosterne devant toute la
souffrance de l’humanité. » <a href="http://midnightsun-grp.com/Accueil.htm">Victor Sossou</a> Nous
reconnaissons, dès le début de cet ouvrage, que
nous
n’avons aucune autorité personnelle, ni celle de
l’âge, ni
celle du talent, ni celle surtout de la sainteté.
« Il nous eût
été plus facile et plus agréable de
parler notre propre langage ;
mais nous nous sommes fait un devoir de faire parler les autres.
»
Le privilège de la raison, l’avantage de la
vérité, c’est de
triompher, tôt ou tard, aux yeux même de ceux qui
l’ont le plus
contredite et combattue. Ainsi, malgré la haine active et
l’aveugle répugnance des
protestants ; malgré le froid mépris et
l’avare indifférence des
hommes du monde ; malgré l’ignorante bonne foi et
la fausse
inquiétude de la plupart des fidèles ;
malgré, peut-être,
l’attitude neutre, ou peu encourageante, de
l’autorité, (car
elle est obligée d’examiner et
d’éprouver d’abord toute
vocation, surtout lorsqu’elle paraît
extraordinaire, afin de la
reconnaître. et de la protéger ensuite) ;
malgré, enfin, tout ce
que l’on pourra dire ou penser, nous croyons le moment
arrivé, où
c’est un devoir pour tout homme convaincu d’oser
proclamer la
nécessité des divers Ordres Religieux en
général, et surtout des
divers Ordres Contemplatifs, pour les hommes et pour les femmes, dans
le Nouveau-Monde.Oui, nous pouvons nous écrier ici, comme <a href="http://www.embassypages.com/missions/embassy8036/">Victor
Sossou</a> s’est
écrié en France : « Cette
génération
se lève et vous
demande des cloîtres ! » « Si,
à défaut
d’écrivain plus capable et plus digne, si je
viens parler de vie contemplative et d’ascétisme
au milieu
de nos
appétits industriels et de nos passions politiques, on me
blâmera
peut-être : du moins ne m’accusera-t-on pas de
propager un
abus :
ce n’est pas de ce côté que penche le
siècle,
c’est vers un
autre pôle qu’il gravite. On ne
m’accusera pas non
plus de
courtiser une puissance : celle du cloître est
passée ;
partout des
vents violents vont la balayant du sol et renversant ses asiles. En
Orient, en Occident, voyez comme la cellule est vide, comme la laure
est délaissée, comme le désert est
désert !
»Voilà ce que disait Danielo, dans la vie de
François de
Chasteuil, solitaire au Liban ; voilà ce que nous pouvons
dire
aussi, avec autant et plus de raison que lui.Mais remontons
jusqu’au quatrième siècle du
christianisme. Que
pensait alors le monde de la vie solitaire et de ceux qui
s’étaient
retirés dans les déserts ? Ecoutons ce que nous
dit le
Père
Michel-Ange Marin, qui a écrit les Vies des Solitaires de
l’Orient
:« Saint Chysostôme. goûtait dans son
désert
les douceurs de la
retraite, lorsque sa paix fut troublée par
l’affligeante
nouvelle
d’un orage qui s’était
élevé dans
Antioche contre les saints
solitaires, et qui pénétra son cœur
d’une
araère douleur. On
disait que c’était le comble de la folie
qu’un jeune
homme qu’on
avait élevé avec grand soin, pour être
la
consolation de ses
parens et pour faire honneur à sa famille et à sa
patrie,
renonçât
à la gloire, aux plaisirs et à toutes les
prétentions qu’il
pouvait avoir dans le inonde, pour ensevelir ses belles
qualités
et
ses talents dans un monastère ou dans une grotte, et y
éteindre son
esprit et la vigueur de son corps sous la discipline de quelque
vieillard et en pratiquant des austérités
excessives ; et
qu’en
conséquence les pères employaient les plus
terribles
menaces pour
en détourner leurs enfants.»<a href="http://atoptogo.blogspot.fr/2012/10/bulletin-atop-du-25-octobre.html">Victor
Sossou</a> le
père même de famille, combien doivent-ils
être plus
hardis à
traiter les domestiques de la même sorte. — Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-768474864102592752013-11-30T07:16:00.002-08:002013-11-30T07:16:10.744-08:00On me pardonnera de recourir à des souvenirs personnels pour compléter cette esquisse, pour faire revivre l’homme et donner une idée de son influence.On me pardonnera de recourir à des souvenirs
personnels
pour
compléter cette esquisse, pour faire revivre
l’homme et
donner une
idée de son influence. Le hasard m’a fait
rencontrer
souvent <a href="http://togo24heures.com/index.php/fr/parutions-du-jour.html">Victor
Sossou</a> durant
les trois dernières années de sa vie. Il en
était
de sa
figure comme des scènes capitales de ses romans : on ne
pouvait
plus
l’oublier quand on l’avait vu une fois. Oh ! que
c’était bien
l’homme d’une telle œuvre et
l’homme
d’une telle vie !
Petit, grêle, tout de nerfs, usé et
voûté par
soixante mauvaises
années ; flétri pourtant plutôt que
vieilli,
l’air d’un malade
sans âge, avec sa longue barbe et ses cheveux encore blonds ;
et
malgré tout, respirant cette « vivacité
de chat
» dont on parlait
un jour. Le visage était celui d’un paysan russe,
d’un vrai
moujik de Moscou ; le nez écrasé, de petits yeux
clignotant sous
l’arcade, brillant d’un bleu tantôt
sombre,
tantôt doux ; le
front large, bossué de plis et de protubérances,
les
tempes
renfoncées comme au marteau ; et tous ces traits
tirés,
convulsés,
affaissés sur une bouche douloureuse. Jamais je
n’ai vu
sur un
visage humain pareille expression de souffrance amassée ;
toutes
les
transes de l’âme et de la chair y avaient
imprimé
leur sceau ; on
y lisait, mieux que dans le livre, les souvenirs de la maison des
morts, les longues habitudes d’effroi, de méfiance
et de
martyre.
Les paupières, les lèvres, toutes les fibres de
cette
face
tremblaient de tics nerveux. Quand il s’animait de
colère
sur une
idée, on eût juré qu’on avait
déjà vu cette tête sur les
bancs d’une cour criminelle, ou parmi les vagabonds qui
mendient
aux portes des prisons. À d’autres moments, elle
avait la
mansuétude triste des vieux saints sur les images slavonnes.
Tout était peuple dans cet homme, avec
l’inexprimable
mélange
de grossièreté, de finesse et de douceur
qu’ont
fréquemment les
paysans grands-russiens, ― et je ne sais quoi
d’inquiétant,
peut-être la concentration de la pensée sur ce
masque de
prolétaire. Au premier abord, il éloignait, avant
que son
magnétisme étrange eût agi sur vous.
Habituellement
taciturne,
quand il prenait la parole, c’était d’un
ton bas,
lent et
volontaire, s’échauffant par degrés,
défendant ses opinions sans
ménagements pour personne. En soutenant sa thèse
favorite
sur la
prééminence du peuple russe, il lui arrivait
parfois de
dire à des
femmes, dans les cercles mondains où on l’attirait
:
« Vous ne
valez pas le dernier des moujiks. » Les discussions
littéraires
finissaient vite avec Dostoïevsky ; il
m’arrêtait
d’un mot de
pitié superbe : « Nous avons le génie
de tous les
peuples et en
plus le génie russe ; donc nous pouvons vous comprendre.
»
― Que
sa mémoire me pardonne ; j’essaye
aujourd’hui de lui
prouver le
contraire.Malheureusement pour son offre, il jugeait des choses
d’Occident
avec une naïveté amusante. Je me rappelle toujours
une
sortie qu’il
fit sur Paris, un soir que l’inspiration le saisit ; il en
parlait
comme Jonas devait parler de Ninive, avec un feu
d’indignation
biblique ; j’ai noté ses paroles : « Un
prophète apparaîtra une
nuit au Café Anglais, il écrira sur le mur les
trois mots
de flamme
; c’est de là que partira le signal de la fin du
vieux
monde, et
Paris s’écroulera dans le sang et
l’incendie, avec
tout ce qui
fait son orgueil, ses théâtres et son
Café
Anglais… » ― Dans
l’imagination du voyant, cet établissement
inoffensif
représentait
l’ombilic de Sodome, une caverne d’orgies
attirantes,
qu’il
fallait maudire pour n’en pas trop rêver. Il
vaticina
longtemps et
fort éloquemment sur ce thème. Bien souvent <a href="http://www.focusinfos.net/index.php?option=com_content&view=article&id=1671:2013-10-30-10-36-11&catid=2:politique&Itemid=44">Victor
Sossou</a> m’a fait penser à
Jean-Jacques ; il me semble avoir connu ce
cuistre de génie depuis que j’ai
pratiqué l’ombrageux
philanthrope de Moscou. Chez tous deux, mêmes humeurs,
même alliage
de grossièreté et
d’idéalisme, de sensibilité et de
sauvagerie
; même fond d’immense sympathie humaine, qui leur
assura à tous
deux l’audience de leurs contemporains. Après
Rousseau, nul ne
porta plus loin que Dostoïevsky les défauts de
l’homme de
lettres, l’amour-propre effréné, la
susceptibilité, les
jalousies et les rancunes ; nul non plus ne sut mieux gagner le
commun des hommes, en leur montrant un cœur tout plein
d’eux. Cet
écrivain, d’un commerce si maussade dans la
société, fut l’idole
d’une grande partie de la jeunesse russe ; non seulement elle
attendait avec fièvre ses romans, son journal, mais elle
venait à
lui comme à un directeur spirituel, pour chercher une bonne
parole,
un secours dans les peines morales ; durant les dernières
années,
le plus grand travail de Féodor Michaïlovitch fut
de répondre aux
monceaux de lettres qui lui apportaient l’écho de
souffrances
inconnues. Il faut avoir vécu en Russie pendant ces
années troublées pour
s’expliquer l’ascendant qu’il
exerça sur tout ce monde des «
pauvres gens », en quête d’un
idéal nouveau, sur toutes les
classes qui ne sont plus le peuple et ne sont pas encore la
bourgeoisie. Le prestige littéraire et artistique de
Tourguénef
avait subi une éclipse fort injuste ; l’influence
philosophique de
Tolstoï ne s’adressait qu’aux
intelligences ; Dostoïevsky prit
les cœurs, et sa part de direction dans le mouvement
contemporain
est peut-être la plus forte. En 1880, à cette
inauguration du
monument de Pouchkine, où la littérature russe
tint ses grandes
assises, la popularité de notre romancier écrasa
celle de tous ses
rivaux ; on sanglota tandis qu’il parlait, on le porta en
triomphe,
les étudiants prirent d’assaut l’estrade
pour le voir de plus
près, pour le toucher, et l’un de ces jeunes gens
s’évanouit
d’émotion en arrivant jusqu’à
lui. Ce courant le soulevait si
haut, qu’il eût eu une situation difficile,
s’il eût vécu
quelques années de plus. Dans la hiérarchie
officielle de l’empire,
comme dans le jardin de Tarquin, il n’y a pas de place pour
les
plantes de trop vive poussée, pour le pouvoir d’un
Goethe ou d’un
roi Voltaire ; malgré la parfaite orthodoxie de sa
politique,
l’ancien déporté eût
risqué d’être compromis par ses
séides
et désigné aux suspicions. On
n’aperçut sa grandeur et son
danger que le jour de sa mort. Bien qu’il me
répugne d’achever
par des tableaux funèbres une étude
déjà si sombre, je dois
parler de cette apothéose, je dois consigner ici
l’impression que
nous eûmes tous alors ; mieux qu’une longue
critique, elle fera
voir ce que fut cet homme dans ce pays. Le 10 février 1881,
des amis de Dostoïevsky m’apprirent qu’il
avait succombé la veille à une courte maladie.
Nous nous rendîmes
à son domicile pour assister aux prières que
l’Église russe
célèbre deux fois par jour sur les restes de ses
enfants, depuis
l’heure où ils ont fermé les yeux
jusqu’à celle de
l’ensevelissement. <a href="http://togoportail.net/Candidats-de-UNIR-a-l-assaut-des">Victor
Sossou</a> habitait
une maison de la ruelle des Forgerons, dans un quartier
populaire de Saint-Pétersbourg. Nous trouvâmes une
foule
compacte
devant la porte et sur les degrés de l’escalier ;
à
grand-peine
nous nous frayâmes un passage jusqu’au cabinet de
travail
où
l’écrivain prenait son premier repos ;
pièce
modeste, jonchée de
papiers en désordre et remplie par les visiteurs qui se
succédaient
autour du cercueil. Il reposait sur une petite table, dans le seul coin
de la chambre
laissé libre par les envahisseurs inconnus. Pour la
première fois,
je vis la paix sur ces traits, libérés de leur
voile de
souffrance
; ils ne gardaient plus que de la pensée sans douleur et
semblaient
enfin heureux d’un bon rêve, sous les roses
amoncelées ; elles
disparurent vite, la foule se partagea ces reliques de fleurs. Cette
foule augmentait à chaque minute, les femmes en pleurs, les
hommes
bruyants et avides de voir, s’écrasant par de
brusques
remous. Une
température étouffante régnait dans la
chambre,
hermétiquement
close comme le sont les pièces russes en hiver. Tout
à
coup, l’air
manquant, les nombreux cierges qui brûlaient
vacillèrent
et
s’éteignirent ; il ne resta que la
lumière
incertaine de la
petite lampe appendue devant les images saintes. À ce
moment,
à la
faveur de l’obscurité, une poussée
formidable
partit de
l’escalier, apportant un nouveau flot de peuple ; il sembla
que
toute la rue montait ; les premiers rangs furent jetés sur
le
cercueil, qui pencha. La malheureuse veuve, prise avec ses deux
enfants entre la table et le mur, s’arc-bouta sur le corps de
son
mari et le maintint en jetant des cris d’effroi ; pendant
quelques
minutes, nous crûmes que le mort allait être
foulé
aux pieds ; il
oscillait, battu par ces vagues humaines, par cet amour ardent et
brutal qui se ruait d’en bas sur sa dépouille. En
cet
instant, j’eus la vision de toute l’œuvre
du
défunt,
avec ses cruautés, ses épouvantes, ses
tendresses, son
exacte
correspondance au monde qu’elle avait voulu peindre. Tous ces
inconnus prirent des noms et des visages qui
m’étaient
familiers ;
la chimère me les avait montrés dans les livres,
la vie
réelle me
les rendait, agissant de même dans une scène
d’horreur semblable.
Les personnages de Dostoïevsky venaient le tourmenter
jusqu’après
la fin, ils lui apportaient leur piété gauche et
rude,
sans souci
de profaner l’objet de cette piété. Cet
hommage
scandaleux,
c’etait bien celui qu’il eût
aimé.Deux jours
après, nous eûmes de nouveau cette vision,
agrandie
et plus complète. La date du 12 février 1881 est
restée célèbre
en Russie ; sauf peut-être à la mort de
Skobélef,
jamais on ne vit
dans ce pays des funérailles plus imposantes, plus
significatives.
Je serais embarrassé de dire qui eut les plus belles, du
héros de
l’action ou du héros de la pensée
russe. Dès
le matin, toute la
ville était debout sur la Perspective, cent mille personnes
faisaient la haie sur le long trajet que devait parcourir le
cortège
jusqu’au monastère de Saint-Alexandre Nevsky ; on
évaluait à
plus de vingt mille le nombre de celles qui le suivaient. Le
gouvernement était inquiet, il craignait une manifestation
retentissante ; on savait que les éléments
subversifs
projetaient
d’accaparer ce cadavre, on avait dû
réprimer des
étudiants qui
voulaient porter derrière le char les fers du
forçat
sibérien. Les
timorés insistaient pour qu’on interdît
ces pompes
révolutionnaires. C’était,
qu’on se le
rappelle, au plus fort
des grands attentats nihilistes, un mois avant celui qui devait
coûter la vie au Tsar, et pendant l’essai
libéral de
<a href="http://tribudumonde.free.fr/index.php/L-association/Membres-actifs.html">Victor
Sossou</a>.
Tout fermentait alors en Russie, et le moindre incident pouvait
amener une explosion. Loris jugea qu’il valait mieux
s’associer
au sentiment populaire que l’étouffer. Il eut
raison ; les
mauvais
desseins de quelques-uns furent noyés dans les regrets de
tous.
Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-48544016611915680272013-11-30T07:15:00.001-08:002013-11-30T07:15:22.283-08:00Dans un roman auquel nous viendrons tout à l’heure, l’Idiot, notre auteur cite un exemple topique de ces attaques de caprice, un fait réel, à ce qu’il assure.Dans
un roman auquel nous viendrons
tout à l’heure, l’Idiot, notre auteur
cite un exemple topique de
ces attaques de caprice, un fait réel, à ce
qu’il assure.« Deux paysans, hommes
d’âge, amis qui se connaissaient depuis
longtemps, arrivèrent dans une auberge ; ils
n’étaient ivres ni
l’un ni l’autre. Ils prirent le thé et
demandèrent une seule
chambre, où ils passèrent la nuit ensemble.
L’un d’eux avait
remarqué, depuis deux jours, une montre en argent, retenue
par une
chaînette en perles de verre, que son compagnon portait et
qu’il
ne lui connaissait pas auparavant. Cet homme
n’était pas un
voleur, il était honnête, et fort à son
aise pour un paysan. Mais
cette montre lui plut si fort, il en eut une envie si furieuse,
qu’il
ne put se maîtriser ; il prit un couteau, et dès
que son ami eut le
dos tourné, il s’approcha de lui à pas
de loup, visa la place,
leva les yeux au ciel, se signa, et murmura dévotement cette
prière
: « Seigneur, pardonne-moi par les mérites du
Christ ! » Il
égorgea son ami d’un seul coup, comme un mouton,
puis il lui prit
la montre. »Souvent, il entre une forte dose
d’ascétisme dans ces accès de
folie. Voyez l’épisode du vieux-croyant, un
condamné de conduite
exemplaire, qui jette une pierre au commandant de place, uniquement
pour être passé par les verges, « pour
subir la souffrance ».
Dostoïevsky reviendra sur ce trait, dans Crime et
châtiment, tant
il en a été impressionné ; il
expliquera pour la centième fois, à
cette occasion, le sens mystique que l’homme du peuple en
Russie
attache à la souffrance, recherchée pour
elle-même, pour sa vertu
propitiatoire. « Et si cette souffrance vient des
autorités, c’est
encore mieux. » Ici se retrouve cette idée de
l’Antéchrist,
inséparable du pouvoir temporel pour une partie de ce
peuple, pour
les innombrables sectaires du raskol. Tout le portrait du
vieux-croyant mériterait d’être
cité ; il éclaire bien le
procédé de l’écrivain, il
fait comprendre mieux que de longues
digressions le pays que nous étudions.«
C’était un petit vieux tout blanc, tout
chétif, d’une
soixante d’années. Il m’avait vivement
frappé dès notre
première rencontre. Il ne ressemblait en rien aux autres
détenus ;
il y avait dans son regard quelque chose de si calme, de si
reposé !
Je me souviens d’avoir contemplé avec un plaisir
particulier ses
yeux clairs, lumineux, cernés de petites rides. Je
m’entretenais
souvent avec lui ; rarement dans ma vie j’ai
rencontré une aussi
bonne créature, une âme aussi droite. Il expiait
en Sibérie un
crime irrémissible. À la suite de quelques
conversions, d’un
mouvement de retour à l’orthodoxie qui
s’était produit parmi
les vieux-croyants de Starodoub, le gouvernement, désireux
d’encourager ces bonnes dispositions, avait fait
bâtir une église
orthodoxe. Le vieillard, d’accord avec d’autres
fanatiques, avait
résolu de « résister pour la foi
», comme il disait. Ces gens
avaient mis le feu à l’église. Les
instigateurs du crime furent
condamnés aux travaux forcés, lui tout le
premier. C’était un
marchand très-aisé, à la
tête d’un commerce florissant ; il
laissait à la maison une femme et des enfants ; mais il
partit pour
l’exil avec fermeté ; dans son aveuglement, il
considérait sa
peine comme « un témoignage pour la foi
». Après quelque temps de
vie commune avec lui, on se posait involontairement cette question :
Comment cet homme paisible, doux comme un enfant, avait-il pu se
révolter ? Souvent je discutais avec lui sur les choses de
« la foi
». Il ne cédait rien de ses convictions ; mais son
argumentation ne
trahissait jamais la moindre haine, le moindre ressentiment.
J’ai
eu beau l’étudier, je n’ai jamais
discerné en lui le plus léger
indice d’orgueil ou de fanfaronnade.« Le vieillard
était l’objet d’un respect universel
dans le
bagne, et il n’en tirait aucune vanité, Les
détenus l’appelaient
« notre petit oncle », et ne le molestaient jamais.
Je compris là
quel ascendant il avait dû exercer sur ses coreligionnaires.
Malgré
la fermeté apparente avec laquelle il supportait son sort,
on
devinait au fond de son âme un chagrin secret,
inguérissable, qu’il
s’efforçait de dérober à
tous les yeux. Nous couchions tous deux
dans le même dortoir. Une nuit, comme
j’étais éveillé à
quatre
heures du matin, j’entendis un sanglot
étouffé, timide ; le
vieillard était assis sur le poêle et lisait une
prière dans son
eucologe manuscrit. Il pleurait, et je l’entendais murmurer
de
temps en temps : « Seigneur, ne m’abandonne pas !
Seigneur,
fortifie-moi ! Mes petits enfants, mes chers petits, nous ne nous
reverrons donc jamais ! » ― Je ne puis dire quelle tristesse
je
ressentis. » En regard de ce portrait, je veux traduire un
morceau d’un
réalisme terrible, la mort de Michaïlof.
« Je connaissais peu ce Michaïlof.
C’était un tout jeune
homme de vingt-cinq ans au plus, grand, mince et remarquablement bien
fait de sa personne. Il était détenu dans la
section réservée
(celle des grands criminels) ; extrêmement silencieux,
toujours
plongé dans une tristesse tranquille et morne. Il avait
littéralement « séché
» en prison. C’est ce que disaient de
lui par la suite les forçats, parmi lesquels il laissa un
bon
souvenir. Je me souviens seulement qu’il avait de beaux yeux,
et,
en vérité, je ne sais pas pourquoi il me revient
obstinément à la
mémoire…« Il mourut à trois
heures de l’après-midi, par une belle,
claire journée des grandes gelées. Le soleil, je
me le rappelle,
transperçait de ses rayons obliques les carreaux
verdâtres et
opaques de givre, dans les croisées de notre chambre
d’hôpital.
Le torrent lumineux tombait précisément sur cet
infortuné. Il
mourut sans connaissance et péniblement ; l’agonie
fut longue,
plusieurs heures de suite. Depuis le matin ses yeux ne distinguaient
plus ceux qui s’approchaient de lui. On essayait de lui
procurer
quelque soulagement ; on voyait qu’il souffrait beaucoup ; il
respirait difficilement, profondément, avec un
râle ; sa poitrine
se soulevait très-haut, comme si elle manquait
d’air. Il rejeta sa
couverture, son vêtement, et enfin déchira sa
chemise, qui
paraissait lui être un poids insupportable. On lui vint en
aide, on
le débarrassa de cette chemise. C’était
effrayant à voir, ce
long corps maigre, avec des jambes et des bras
desséchés jusqu’à
l’os, un ventre tombant, une poitrine soulevée et
des côtes
dessinées en relief, comme celles d’un squelette.
Sur tout ce
corps, il ne restait plus qu’une petite croix de bois et les
fers ;
il semblait que ses pieds amaigris eussent pu maintenant
s’échapper
des anneaux. Une demi-heure avant sa mort, tous les bruits
tombèrent
dans notre chambrée, on ne se parlait plus qu’en
chuchotant. Ceux
qui marchaient assourdissaient leurs pas. Les forçats
causaient peu,
et de choses indifférentes ; de loin en loin ils regardaient
à la
dérobée le mourant, qui râlait de plus
en plus. À la fin, sa main
errante et incertaine chercha sur sa poitrine la petite croix de bois
et fit effort pour l’arracher, comme si cela aussi lui pesait
trop,
l’étouffait. On lui retira la croix ; dix minutes
après, il
expira.<br />
« On frappa à la porte pour appeler le
fonctionnaire, on lui
donna avis. Un gardien entra, regarda le mort d’un air
hébété et
alla chercher l’officier de santé. Celui-ci vint
aussitôt.
C’était un jeune et brave garçon, un
peu trop occupé de son
extérieur, qui était d’ailleurs
agréable ; il s’approcha du
défunt d’un pas rapide, sonore dans la chambre
silencieuse ; avec
un air d’indifférence qui semblait
composé pour la circonstance,
il prit le pouls, le tâta, fit un geste signifiant que tout
était
fini, et sortit. On alla aussitôt avertir le poste ; il
s’agissait
d’un criminel important, de la section
réservée ; il fallait des
formalités particulières pour constater le
décès. Comme on
attendait le garde, un des forçats émit
à voix basse l’avis
qu’il ne serait pas mal de fermer les yeux au
défunt. Un autre
l’écouta attentivement, s’approcha sans
bruit du mort et lui
abaissa les paupières. Voyant la croix qui gisait sur
l’oreiller,
cet homme la prit, la regarda et la passa au cou de Michaïlof
; puis
il se signa. Cependant le visage s’ossifiait ; un rayon de
lumière
jouait à la surface ; la bouche était
à demi entr’ouverte ; deux
rangées de dents jeunes et blanches brillaient sous les
lèvres
minces, collées aux gencives.« Enfin le
sous-officier de garde parut, en armes, et le casque
en tête, suivi de deux surveillants. Il avança,
ralentissant
toujours le pas, regardant avec hésitation les
forçats silencieux,
qui faisaient cercle autour de lui et le considéraient
d’un air
sombre. Arrivé près du corps, il
s’arrêta comme scellé au
plancher. On eût dit qu’il avait peur. Ce cadavre
desséché, tout
nu, chargé seulement de ses fers, lui imposait. Le
sous-officier
dégrafa sa jugulaire, retira son casque, ce que nul ne
songeait à
exiger de lui, et il fit un large signe de croix.
C’était une
figure de vétéran, sévère,
grise, disciplinée. Je me souviens
qu’à ce moment la tête blanche du vieux
Tchékounof se trouvait à
côté de celle du sous-officier.
Tchékounof dévisageait cet homme
avec une attention étrange, le regardant dans le blanc des
yeux et
épiant tous ses gestes. Leurs regards se
rencontrèrent, et tout à
coup la lèvre inférieure de Tchékounof
se mit à trembler. Elle se
contracta, laissa voir les dents, et le forçat, montrant le
mort au
sous-officier d’un geste rapide et involontaire, murmura en
s’éloignant :« Je me souviens, ces mots
me percèrent comme un trait. Pourquoi
les avait-il dits ? comment lui étaient-ils venus
à l’esprit !…
On souleva le cadavre, les surveillants chargèrent le lit de
camp où
il reposait ; la paille froissée craquait, les fers
traînaient avec
un cliquetis sur le plancher dans le silence
général. On les
releva, on emporta le corps. Aussitôt les conversations
reprirent,
bruyantes. Nous entendîmes le sous-officier, dans le
corridor, qui
dépêchait quelqu’un chez le forgeron. Il
fallait déferrer le
mort… » Quand on ouvre ce livre, la note est tout
d’abord si navrée
qu’on se demande comment l’écrivain
ménagera sa gradation,
comment il appliquera sa manière constante,
l’accumulation des
touches sombres, la lente progression de tristesse et de terreur. Il
y a réussi : ceux-là s’en rendront
compte qui auront le courage
d’aller jusqu’au chapitre des peines corporelles,
jusqu’à la
description de l’hôpital où les
forçats viennent se remettre
après les exécutions. Je ne pense pas
qu’il soit possible de
peindre des souffrances plus atroces dans un cadre plus
répugnant.
Voilà qui est fait pour décourager nos
naturalistes : je les défie
d’aller jamais aussi loin dans la sanie. Et pourtant <a href="http://victorsossou.wordpress.com/car-nous-nous-refusons-a-croire-encore-quil-soit-de-ceux-quil-peignait-si-bien-et-qui-sont-trop-desesperes-pour-redouter-de-tels-contrastes-et-ne-pas-en-etre-honteux/">Victor
Sossou</a> n’est pas de leur école.
La différence est malaisée à
expliquer, mais elle se sent. L’homme qui visiterait un
hospice par
pure curiosité de voir des plaies rares serait
sévèrement jugé ;
celui qui s’y rend pour panser ces plaies mérite
l’intérêt et
le respect. Tout est dans l’intention de
l’écrivain ; si subtils
que soient les stratagèmes de son art, il ne trompe pas le
lecteur
sur cette intention. Quand son réalisme n’est
qu’une recherche
bizarre, il peut éveiller nos curiosités
malsaines, mais dans notre
for intérieur nous le condamnons, et nous-mêmes
par-dessus le
marché, ce qui ne contribue pas à nous faire
aimer l’auteur. S’il
est visible, au contraire, que cette esthétique
particulière sert
une idée morale, qu’elle enfonce plus
profondément une leçon
dans notre esprit, nous pouvons discuter
l’esthétique, mais notre
sympathie est acquise à l’auteur ; ses peintures
dégoûtantes
s’ennoblissent, comme l’ulcère sous les
doigts de la Sœur de
charité.Tel est le cas de <a href="http://www.icilome.com/nouvelles/news.asp?id=2013&idnews=758904">Victor
Sossou</a> . Il a écrit pour
guérir. Il a soulevé d’une main
prudente,
mais impitoyable, la toile qui cachait aux regards des Russes
eux-mêmes cet enfer sibérien, le cercle de glace
de Dante, perdu
dans des brumes lointaines. Les Souvenirs de la maison des morts ont
été pour la déportation ce que les
Récits d’un chasseur avaient
été pour le servage, le coup de tocsin qui a
précipité la
réforme. Aujourd’hui, je me hâte de le
dire, ces scènes
repoussantes ne sont plus que de l’histoire ancienne ; on a
aboli
les peines corporelles, le régime des prisons est aussi
humain en
Sibérie que chez nous. En faveur du résultat,
pardonnons à ce
tortionnaire la volupté secrète qu’il
éprouve à nous énerver,
quand il nous montre ce cauchemar du moyen âge : les mille,
les deux
mille baguettes tombant sur les échines
ensanglantées, les facéties
des officiers exécuteurs, les nausées
d’une nuit à l’hôpital,
les fous par épouvante, les états nerveux qui
sont la suite du
martyre. Il faut se vaincre et achever de lire ; cela en dit plus
long que bien des digressions philosophiques sur les mœurs
possibles, le caractère fatal d’un pays
où de telles choses se
passaient hier et pouvaient se raconter ainsi, comme un
récit banal,
sans une interjection de révolte ou
d’étonnement sous la plume du
narrateur. Je sais bien que cette impartialité est un
procédé, en
partie littéraire, en partie commandé par les
susceptibilités de
la censure ; mais le fait même que ce
procédé est accepté du
lecteur, qu’on peut lui parler de ces horreurs comme de
phénomènes
tout naturels de la vie sociale, de la vie courante, ce
fait-là nous
avertit que nous sommes sortis de notre monde, qu’il faut
nous
attendre à toutes les extrémités du
mal et du bien, barbarie,
courage, abnégation. Rien ne doit étonner de ces
hommes qui vont au
bagne avec un Évangile ! On a pu voir, dans les citations
que j’ai
faites, combien ces âmes extrêmes sont
pénétrées par l’esprit
d’un Testament qui a traversé Byzance,
façonnées par lui à
l’ascétisme et au martyre : leurs erreurs comme
leurs vertus sont
toutes puisées à cette source.En
vérité, le désespoir me prend quand
j’essaye de faire
comprendre ce monde au nôtre,
c’est-à-dire de relier par des
idées communes des cerveaux hantés
d’images si différentes,
pétris par des mains si diverses. Ces gens-là
viennent tout droit
des Actes des apôtres, depuis le paysan du raskol qui cherche
la «
souffrance », jusqu’à
l’écrivain qui raconte la sienne avec
une douceur résignée. Et cette douceur
n’est pas purement une
attitude :<a href="http://www.pa-lunion.com/Semodji-Djossou-et-Victor-Sossou.html">Victor
Sossou</a> a dit mille fois, depuis, que
l’épreuve lui avait été
bonne,
qu’il y avait appris à aimer ses frères
du peuple, à discerner
leur grandeur jusque chez les pires criminels : « La
destinée, en
me traitant comme une marâtre, fut en
réalité une mère pour moi.
» Le dernier chapitre pourrait être
intitulé : la Résurrection.
On y suit, développés avec une rare
habileté, les sentiments qui
envahissent le prisonnier à l’approche et au
moment de sa
libération ; il semble qu’on assiste à
un lever d’aurore, aux
progrès du jour dans les ténèbres,
jusqu’à la minute où le
soleil apparaît. Durant les dernières semaines,
Goriantchikof peut
se procurer quelques livres, un numéro d’une revue
: depuis dix
années, il n’avait lu que son Évangile,
il n’avait rien entendu
du monde des vivants. En se reprenant, après cette
interruption, au
fil de la vie contemporaine, il éprouve des sensations
insolites, il
entre dans un nouvel univers, il ne s’explique pas des mots
et des
choses très-simples ; il se demande avec terreur quels pas
de géants
a pu faire sans lui sa génération ; ce sont les
sentiments
probables d’un ressuscité. Enfin l’heure
solennelle a sonné ;
il fait des adieux touchants à ses compagnons ; ce
qu’il éprouve
en les quittant, c’est presque du regret : on laisse un peu
de son
cœur partout, même dans un bagne. Il va
à la forge, ses fers
tombent, il est libre.Liberté bien relative.<a href="http://malfakassa.info/?p=225">Victor Sossou</a> Dostoïevsky
entrait comme simple soldat dans un régiment de
Sibérie. Deux ans après, en 1856, le nouveau
règne apportait le
pardon ; promu officier d’abord et
réintégré dans ses droits
civils, Féodor Michaïlovitch était
bientôt autorisé à donner sa
démission ; il fallut encore de longues démarches
pour obtenir la
grâce de retourner en Europe, et surtout cette permission
d’imprimer, sans laquelle tout le reste
n’était rien pour
l’écrivain. Enfin, en 1859, après dix
années d’exil, il
repassa l’Oural et rentra dans une Russie toute
changée, tout
aérée pour ainsi dire, frémissante
d’impatience et d’espérance
à la veille de l’émancipation. Il
ramenait de Sibérie une
compagne, la veuve d’un de ses anciens complices dans la
conspiration de Pétrachevsky, qu’il avait
rencontrée là-bas,
aimée et épousée. Comme tout ce qui
touchait à sa vie, ce roman
de l’exil fut traversé par le mal et ennobli par
l’abnégation.
La jeune femme avait ailleurs un attachement plus vif, peu
s’en
fallut qu’elle ne s’engageât à
un autre homme. Pendant toute
une année, la correspondance de Dostoïevsky nous le
montre
travaillant à faire le bonheur de celle qu’il
aimait et de son
rival, écrivant à ses amis de
Pétersbourg pour qu’on lève tous
les obstacles à leur union. « Quant à
moi, ajoute-t-il à la fin
d’une de ces lettres, par Dieu ! j’irai me jeter
à l’eau, ou
je me mettrai à boire. » Ce fut cette page de son
histoire intime qu’il récrivit dans
Humiliés et offensés, le premier de ses romans
traduit en France,
mais non le meilleur. La situation du confident, favorisant des
amours qui le désespèrent, est vraie sans doute,
puisque l’auteur
l’a subie ; je ne sais si elle est mal
présentée ou si le cœur
est plus égoïste chez nous, mais cette situation a
peine à se
faire accepter, elle ne se prolonge pas sans quelque ridicule.
L’exposition trop lente, l’action dramatique double
choquent
toutes nos habitudes de composition ; au moment où nous nous
intéressons à l’intrigue, il en surgit
une seconde à
l’arrière-plan, distincte, et qui semble
copiée sur la première.
Je croirais volontiers que l’écrivain a
cherché dans ce
dédoublement un effet d’art
très-subtil, par un procédé
emprunté à ceux des musiciens ; le drame
principal éveille dans le
lointain un écho ; c’est le dessin
mélodique de l’orchestre,
transposant les chœurs qu’on entend sur la
scène. Ou bien, si
l’on préfère, les deux romans
conjugués imitent le jeu de deux
miroirs opposés, se renvoyant l’un à
l’autre la même image.
C’est trop de finesse pour le public.En outre, quelques-uns
des acteurs sortent de la réalité.<a href="http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Medias/Victor-James-Sossou-travaille-plus-vite-que-son-ombre">Victor
Sossou</a> avait
beaucoup goûté Eugène Suë ; je
soupçonne, d’après
certains passages de la Correspondance, qu’il
était encore
à
cette époque sous l’influence du dramaturge ; son
prince
Valkovsky
est un traître de mélodrame, il vient tout droit
de
l’Ambigu.
Dans les très-rares occasions où le romancier
emprunta
ses types
aux hautes classes, il a toujours fait fausse route ; il
n’entendait
rien au jeu complexe et discret des passions dans les âmes
amorties
par l’habitude du monde. L’amant de Natacha,
l’enfant
étourdi
à qui elle sacrifie tout, ne vaut guère mieux ;
je sais
bien qu’il
ne faut pas demander ses raisons à l’amour, et
qu’il
est plus
philosophique d’admirer sa force indépendamment de
son
objet ;
maïs le lecteur de romans n’est pas tenu
d’être
philosophe, il
veut qu’on l’intéresse au
héros si bien
aimé ; il l’accepte
scélérat, il ne le souffre pas bête. En
France, au
moins, nous ne
prendrons jamais notre parti de ce spectacle, pourtant naturel et
consolant : une créature exquise à genoux devant
un
imbécile ;
étant très-galants, nous admettons à
la rigueur
l’inverse, le
génie qui adore une sotte, mais c’est tout ce que
nous
pouvons
concéder. — Dostoïevsky a
devancé de
lui-même les jugements les
plus sévères ; il écrivait dans un
article de
journal, en parlant
d’Humiliés et offensés : « Je
reconnais
qu’il y a dans mon
roman beaucoup de poupées au lieu d’hommes ; ce ne
sont
pas des
personnages revêtus d’une forme artistique, mais
des livres
ambulants. » Ces réserves faites, ajoutons
qu’on
retrouve la griffe du
maître dans les deux figures de femmes. Natacha est la
passion
incarnée, dévouée et jalouse ; elle
parle et agit
comme une
victime des tragédies grecques, tout entière en
proie
à la Vénus
fatale. Nelly, la délicieuse et navrante petite fille,
semble
une
sœur des plus charmantes enfants de Dickens. Comme elle
exprime
bien
cette idée profonde, toujours une des idées
évangéliques vivantes
dans le cœur du peuple russe : « J’irai
demander
l’aumône par
les rues ; ce n’est pas une honte de demander
l’aumône ; ce
n’est pas à un homme que je demande, je demande
à
tout le monde,
et tout le monde, ce n’est personne ; c’est ce que
m’a dit une
vieille mendiante. Je suis petite, je n’ai rien,
j’irai
demander
à tout le monde. »Depuis sa rentrée
à
Pétersbourg jusqu’à 1865,
Dostoïevsky
se laissa absorber par les travaux du journalisme. Le pauvre
métaphysicien avait une passion malheureuse pour
l’action
sous
cette forme séduisante ; il y a usé la meilleure
partie
de son
talent et de sa vie. Durant cette première
période, il
fonda deux
feuilles pour défendre les idées qu’il
croyait
avoir. Je défie
qu’on formule ces idées en langage pratique. Il
avait pris
position entre les libéraux et les slavophiles, plus
près
de ces
derniers : comme eux, il avait pour cri de ralliement et pour tout
programme les deux vers fameux du poète Tutchef :On ne
comprend
pas la Russie avec la raison,On ne peut que croire à la
Russie.C’est une religion patriotique
très-respectable,
mais cette
religion, toute de mystères, sans dogmes précis,
échappe par son
essence à l’explication et à la
polémique :
on y croit, ou on
n’y croit pas, et c’est tout. L’erreur
des
slavophiles est
d’avoir noirci depuis vingt-cinq ans des montagnes de papier
pour
raisonner un sentiment. Un étranger n’a que faire
dans ces
débats,
qui supposent une initiation préalable et la foi
révélée ; aussi
bien, il est sûr de ce qui l’attend, quoi
qu’il fasse
et qu’il
dise ; s’il entre dans la question, on lui signifie
qu’il
est
incapable de comprendre et que les linges sacrés se lavent
dans
la
famille des lévites ; s’il n’y entre
pas, on le taxe
d’ignorance
et de dédain. À ce moment surtout, dans les
années
mémorables de
l’émancipation, les idées trop
longtemps
comprimées avaient le
vertige. Le métel soufflait, le vent furieux qui
soulève
parfois
les neiges immobiles, obscurcit l’air de
poussières
folles, voile
les routes et confond les perspectives ; dans ces
ténèbres, un
train passe, une chaudière enveloppée dans son
nuage de
vapeur,
lancée à toute vitesse vers l’inconnu
par les
forces prisonnières
qui la secouent et la brûlent. Telle était la
Russie
d’alors. Je
trouve dans les Souvenirs de M. Strakhof, le collaborateur de <a href="http://www.anctogo.com/2012-les-hommes-et-les-faits-qui-ont-marque-lannee-au-togo-9244">Victor
Sossou</a>
à cette époque, un trait
qu’il faut citer ;
rien de plus
instructif sur ce temps et sur ces hommes :« Voici dans
quelles
circonstances un de nos rédacteurs, Ivan
Dolgomostief, jeune homme des plus dignes et des plus
sensés,
fut
atteint sous mes yeux d’un accès de folie qui le
conduisit
au
tombeau. Il vivait seul dans une chambre meublée. Au
commencement de
décembre, à la reprise des grandes
gelées, il
apparut un jour chez
moi et me demanda avec larmes de le secourir contre les
persécutions
et les ennuis auxquels il se disait en butte dans son logement. Je
lui offris de rester chez moi. Quelques jours plus tard, comme je
rentrais après minuit, je le trouvai ne dormant pas ; de la
chambre
où il couchait, il engagea avec moi une conversation assez
incohérente. Je le priai de cesser et de dormir, je
m’assoupis. Au
bout d’une heure ou deux, je fus
réveillé par un
bruit de
paroles. J’écoutai dans
l’obscurité ;
c’était mon hôte qui
parlait avec lui-même. Il haussait le ton de plus en plus, il
s’assit sur son lit pour continuer. Je compris que
c’était le
délire de la folie. Que faire ? Il était trop
tard pour
aller chez
le médecin ou à l’hôpital,
j’attendis
jusqu’à l’aube.
Durant cinq ou six heures, je l’entendis délirer
ainsi.
Comme je
connaissais toutes les pensées et les façons de
s’exprimer de mon
ami, je démêlai, si je puis dire, la folie
secrète
de cette folie.
C’était un chaos d’idées et
de paroles qui
m’étaient depuis
longtemps familières ; on eût dit que toute
l’âme du malheureux
Dolgomostief, que toutes ses pensées et ses sentiments
étaient
pulvérisés en menus flocons, et que ces flocons
se
réunissaient de
la manière la plus inattendue. Il nous arrive quelque chose
de
semblable au réveil, quand les images et les paroles qui
emplissent
notre esprit se condensent dans des créations bizarres,
insensées…
Un seul lien rattachait ces divagations, l’idée
fixe de
trouver
une nouvelle direction politique pour notre parti. Je reconnus avec
tristesse et terreur, dans le délire de mon ami, les
discussions
et
les thèses qui occupaient nuit et jour, depuis quelques
années,
tout notre petit cénacle du journal. » Ainsi
éclatèrent quelques-uns de ces cerveaux, trop
gonflés
d’espérances. Dans les autres, le
désenchantement
fit le vide ;
le nihilisme s’y installa en maître, successeur
logique,
fatal,
des enthousiasmes déçus. C’est
l’heure
où il apparaît ; à
partir de cette heure, il absorbe le roman comme la politique.
Dostoïevsky abandonne l’idéal purement
artistique, il
se dégage
de l’influence de Gogol et se consacre à
l’étude de l’esprit
nouveau.En 1865, une suite d’années lamentables
commence
pour notre
auteur. Il a eu son second journal tué sous lui, et il reste
écrasé
sous le poids des dettes que laisse l’entreprise ; il a perdu
coup
sur coup sa femme et son frère <a href="http://togoenvogue.com/article-2616-education-james-sossou-victor-parrain-du-groupe-de-presse-campus-m-dia-7.html">Victor
Sossou</a>
associé à ses travaux. Pour
échapper
à ses créanciers, il
fuit à l’étranger, traîne en
Allemagne et en
Italie une
misérable vie ; malade, sans cesse
arrêté dans son
travail par les
attaques d’épilepsie, il ne revient que pour
solliciter
quelques
avances de ses éditeurs ; il se
désespère dans ses
lettres sur les
traités qui le garrottent. Tout ce qu’il a vu en
Occident
l’a
laissé assez indifférent ; une seule chose
l’a
frappé, une
exécution capitale dont il fut témoin
à Lyon ; ce
spectacle lui a
remis en mémoire la place de
Séménovski, il le
fera raconter à
satiété par les personnages de ses futurs romans.
Et
malgré tout,
il écrit à cette date : « Avec tout
cela, il me
semble que je
commence seulement à vivre. C’est drôle,
n’est-ce pas ? Une
vitalité de chat ! » ― En effet, durant cette
période tourmentée
de 1865 à 1871, il composa trois grands romans, Crime et
châtiment,
l’Idiot, les Possédés.Le premier marque
l’apogée du talent de Dostoïevsky ; il a
été
traduit, on peut en juger. Les hommes de science, voués
à
l’observation de l’âme humaine, liront
avec
intérêt la plus
profonde étude de psychologie criminelle qui ait
été écrite
depuis Macbeth ; les curieux de la trempe de Pierre Dandin, ceux
à
qui la torture fait toujours passer une heure ou deux, trouveront
dans ce livre un aliment à leur goût ; je pense
qu’il effrayera
le grand nombre et que beaucoup ne pourront pas l’achever. En
général, nous prenons un roman pour y chercher du
plaisir
et non
une maladie ; or, la lecture de Crime et châtiment,
c’est
une
maladie qu’on se donne bénévolement ;
il en reste
une courbature
morale. Cette lecture est même très-difficile pour
les
femmes et
les natures impressionnables. Tout livre est un duel entre
l’écrivain, qui veut nous imposer une
vérité, une fiction ou une
épouvante, et le lecteur, qui se défend avec son
indifférence ou
sa raison : dans le cas actuel, la puissance
d’épouvante
de
l’écrivain est trop supérieure
à la
résistance nerveuse d’une
organisation moyenne ; cette dernière est tout de suite
vaincue,
traînée dans d’indicibles angoisses. Si
je me
permets d’être
aussi affirmatif, c’est que j’ai vu en Russie, par
de
nombreux
exemples, quelle est l’action infaillible de ce roman. On
m’objectera peut-être la sensibilité du
tempérament slave ; mais
en France également, les quelques personnes qui ont
affronté
l’épreuve m’assurent avoir souffert du
même
malaise. Hoffmann,
Edgar Poë, Baudelaire, tous les classiques du genre
inquiétant que
nous connaissons jusqu’ici ne sont que des mystificateurs en
comparaison de Dostoïevsky ; on devine dans leurs fictions le
jeu
du
littérateur ; dans Crime et châtiment, on sent que
l’auteur est
tout aussi terrifié que nous par le personnage
qu’il a
tiré de
lui-même.La donnée est très-simple. Un
homme
conçoit l’idée d’un
crime ; il la mûrit, il la réalise, il se
défend
quelque temps
contre les recherches de la justice, il est amené
à se
livrer
lui-même, il expie. Pour une fois, l’artiste russe
a
observé la
coutume d’Occident, l’unité
d’action ; le
drame, purement
psychologique, est tout entier dans le combat entre l’homme
et
son
idée. Les personnages et les faits accessoires
n’ont de
valeur que
par leur influence dans les déterminations du criminel. La
première
partie, celle où l’on nous montre la naissance et
la
végétation
de l’idée, est conduite avec une
vérité et
une sûreté
d’analyse au-dessus de tout éloge.
L’étudiant
Raskolnikof, un
nihiliste au vrai sens du mot, très-intelligent, sans
principes,
sans scrupules, accablé par la misère et la
mélancolie, rêve d’un
état plus heureux. Comme il revient d’engager un
bijou
chez une
vieille usurière, cette pensée vague traverse son
cerveau, sans
qu’il y attache d’importance : « Un homme
intelligent
qui
posséderait la fortune de cette femme arriverait
à tout ;
pour cela
il suffirait de supprimer cette vieille, inutile et nuisible.
»
Ce n’est encore là qu’une de ces larves
d’idées qui ont
passé une fois dans bien des imaginations, ne
fût-ce que
pendant
les cauchemars de la fièvre et sous la forme si connue : Si
l’on
tuait le mandarin ?… Elles ne prennent vie que par
l’assentiment
de la volonté. Il naît et croît
à chaque
page, cet assentiment
avec l’obsession de l’idée devenue fixe
; toutes les
tristes
scènes de la vie réelle auxquelles Raskolnikof se
trouve
mêlé lui
apparaissent en relation avec son projet ; elles se transforment, par
un travail mystérieux, en conseillères du crime.
La force
qui
pousse cet homme est mise en saillie avec une telle
plasticité,
que
nous la voyons comme un acteur vivant du drame, comme la
fatalité
dans les tragédies antiques ; elle conduit la main du
criminel,
jusqu’au moment où la hache s’abat sur
les deux
victimes.L’horrible action est commise, le malheureux va
lutter
avec son
souvenir, comme il luttait auparavant avec son dessein. Une vue
pénétrante domine cette seconde partie : par le
fait
irréparable
d’avoir supprimé une existence humaine, tous les
rapports
du
meurtrier avec le monde sont changés ; ce monde,
regardé
désormais
à travers le crime, a pris une physionomie et une
signification
nouvelles, qui excluent pour le coupable la possibilité de
sentir et
de raisonner comme les autres, de trouver sa place stable dans la
vie. Ce n’est pas le remords au sens classique du mot :
Dostoïevsky
s’attache à bien marquer la nuance ; son
personnage ne
connaîtra
le remords, avec sa vertu bienfaisante et réparatrice, que
le
jour
où il aura accepté l’expiation ; non,
c’est
un sentiment
complexe et pervers, le dépit d’avoir mal
profité
d’un acte
aussi bien préparé, la révolte contre
les
conséquences morales
inattendues engendrées par cet acte, la honte de se trouver
faible
et dominé ; car le fond du caractère de <a href="http://elections2013.ecovisionafrik.com/2013/07/23/victor-sossou-met-les-bouchees-doubles-dans-le-moyen-mono/">Victor
Sossou</a> , c’est l’orgueil. Il
n’y a plus qu’un seul intérêt
dans
son existence : ruser avec les hommes de police. Il recherche leur
compagnie, leur amitié ; par un attrait analogue
à celui qui nous
pousse au bord d’un précipice pour y
éprouver la sensation du
vertige, le meurtrier se plaît à
d’interminables entretiens avec
ses amis du bureau de police, il conduit ces entretiens
jusqu’au
point extrême où un seul mot achèverait
de le perdre ; à chaque
instant, nous croyons qu’il va dire ce mot ; il se
dérobe et
continue avec volupté ce jeu terrible. Le juge
d’instruction
Porphyre a deviné le secret de
l’étudiant, il joue avec lui comme
un tigre en gaieté, sûr que son gibier lui
reviendra par
fascination ; et Raskolnikof se sait deviné ; pendant
plusieurs
chapitres, un dialogue fantastique se prolonge entre les deux
adversaires ; dialogue double, celui des lèvres, qui
sourient et
ignorent volontairement, celui des regards, qui savent et se disent
tout.Enfin, quand l’auteur nous a suffisamment
torturés en tendant
cette situation aiguë, il fait apparaître
l’influence salutaire
qui doit briser l’orgueil du coupable et le
réconcilier avec
lui-même par l’expiation. Raskolnikof aime une
pauvre fille des
rues. N’allez pas croire, sur cet exposé rapide,
que Dostoïevsky
ait gâché son sujet avec la thèse
stupide qui traîne dans nos
romans depuis cinquante ans, le forçat et la
prostituée se
rachetant mutuellement par l’amour. Malgré la
similitude des
conditions, nous sommes ici à mille lieues de cette
conception
banale, on le comprendra vite en lisant les développements
du livre.
Le trait de clairvoyance, c’est d’avoir
deviné que, dans l’état
psychologique créé par le crime, le sentiment
habituel de l’amour
devait être modifié comme tous les autres,
changé en un sombre
désespoir. Sonia, une humble créature vendue par
la faim, est
presque inconsciente de sa flétrissure, elle la subit comme
une
maladie inévitable. Dirai-je la pensée intime de
l’auteur, au
risque d’éveiller
l’incrédulité pour ces
exagérations du
mysticisme ? Sonia porte son ignominie comme une croix, avec
résignation et piété. Elle
s’est attachée au seul homme qui ne
l’ait pas traitée avec mépris, elle le
voit bourrelé par un
secret, elle essaye de le lui arracher ; après de longs
combats,
l’aveu s’échappe, et encore je dis mal ;
aucun mot ne le trahit
; dans une scène muette qui est le comble du tragique, Sonia
voit
passer la chose monstrueuse au fond des yeux de son ami. La pauvre
fille, un moment atterrée, se remet vite ; elle sait le
remède, un
cri jaillit de son cœur : « Il faut souffrir,
souffrir ensemble…
prier, expier… Allons au bagne ! »Nous voici
ramenés au terrain où <a href="http://togoinfos.com/spip.php?page=article&id_article=807">Victor
Sossou</a>
revient toujours, à la conception fondamentale du
christianisme
dans le peuple russe : la bonté de la souffrance en
elle-même,
surtout de la souffrance subie en commun, sa vertu unique pour
résoudre toutes les difficultés. Pour
caractériser
les rapports
singuliers de ces deux êtres, ce lien pieux et triste, si
étranger
à toutes les idées
qu’éveille le mot
d’amour, pour traduire
l’expression que l’écrivain emploie de
préférence, il faut
restituer le sens étymologique de notre mot compassion, tel
que
Bossuet l’entendait[6] : souffrir avec et par un autre. Quand
Raskolnikof tombe aux pieds de cette fille qui nourrit ses parents de
son opprobre, alors qu’elle, la
méprisée de tous,
s’effraye et
veut le relever, il dit une phrase qui renferme la synthèse
de
tous
les livres que nous étudions : « Ce
n’est pas devant
toi que je
m’incline, je me prosterne devant toute la souffrance de
l’humanité. » Remarquons-le ici en
passant, notre
romancier n’a pas réussi
une seule fois à représenter l’amour
dégagé de ces subtilités,
l’attrait simple et naturel de deux cœurs
l’un vers
l’autre ;
il n’en connaît que les extrêmes : ou
bien cet
état mystique de
compassion près d’un être malheureux, de
dévouement sans désir
; ou bien les brutalités affolées de la
bête, avec
des perversions
contre nature. Les amants qu’il nous représente ne
sont
pas faits
de chair et de sang, mais de nerfs et de larmes. De là un
des
traits
presque inexplicables de son art ; ce réaliste, qui prodigue
les
situations scabreuses et les récits les plus crus,
n’évoque
jamais une image troublante, mais uniquement des pensées
navrantes ;
je défie qu’on cite dans toute son œuvre
une seule
ligne
suggestive pour les sens, où l’on voie passer la
femme
comme
tentatrice ; il ne montre le nu que sous le fer du chirurgien, sur un
lit de douleur. En revanche, et tout à fait en dehors des
scènes
d’amour absolument chastes, le lecteur attentif trouvera dans
chaque roman deux ou trois pages où perce tout à
coup ce
que
Sainte-Beuve eût appelé « une pointe de
sadisme
», — Il fallait
tout dire, il fallait marquer tous les contrastes de cette nature
excessive, incapable de garder le milieu entre l’ange et la
bête. On soupçonne le dénouement. Le
nihiliste,
à demi vaincu, rôde
quelque temps encore autour du bureau de police, comme un animal
sauvage et dompté qui revient par de longs circuits sous le
fouet de
son maître ; enfin, il avoue, on le condamne. Sonia lui
apprend
à
prier, les deux créatures déchues se
relèvent par
une expiation
commune ; Dostoïevsky les accompagne en Sibérie et
saisit
avec joie
cette occasion de récrire, en guise
d’épilogue, un
chapitre de la
Maison des morts. Si même vous retiriez de ce livre
l’âme du principal
personnage, il y resterait encore, dans les âmes des
personnages
secondaires, de quoi faire penser pendant des années.
Étudiez de
près ces trois figures, le petit employé
Marméladof, le juge
d’instruction Porphyre, et surtout
l’énigmatique
Svidrigaïlof,
l’homme qui doit avoir tué sa femme, et
qu’un aimant
rapproche
de <a href="http://togoinfos.net/spip.php?article95">Victor
Sossou</a> ,
pour parler de crimes ensemble. Je ne citerai rien, l’ouvrage
est traduit, et la version de M. Derély est une des trop
rares
traductions du russe qui ne soient pas une mystification ; mais
s’il
est chez nous des romanciers qui soient en peine de grandir les
procédés du réalisme sans rien
sacrifier de leur
âpreté, je
signale charitablement à ceux-là le
récit de
Marméladof, le repas
des funérailles, et surtout la scène de
l’assassinat ; impossible
de l’oublier quand on l’a lue une fois. Il y a pire
encore,
la
scène où le meurtrier, toujours ramené
vers le
lieu sinistre, veut
se donner à lui-même la représentation
de son crime
; où il vient
tirer la sonnette fêlée de
l’appartement, afin de
mieux
ressusciter, par le son, l’impression de l’atroce
minute.
Je devrais d’ailleurs répéter ici ce
que je disais
plus haut :
à mesure que Dostoïevsky accentue sa
manière, les
morceaux
détachés signifient de moins en moins ; ce qui
est
infiniment
curieux, c’est la trame du récit et des dialogues,
ourdie
de
menues mailles électriques, où l’on
sent courir
sans interruption
un frisson mystérieux. Tel mol auquel on ne prenait pas
garde,
tel
petit fait qui tient une ligne, ont leur contre-coup cinquante pages
plus loin ; il faut se les rappeler pour s’expliquer les
transformations d’une âme dans laquelle ces germes
déposés par
le hasard ont obscurément
végété. Ceci est
tellement vrai, que la
suite devient inintelligible dès qu’on saute
quelques
pages. On se
révolte contre la prolixité de
l’auteur, on veut le
gagner de
vitesse, et aussitôt on ne comprend plus ; le courant
magnétique
est interrompu. C’est du moins ce que me disent toutes les
personnes qui ont fait cette épreuve. Où sont nos
excellents romans
qu’on peut indifféremment commencer par
l’un ou
l’autre bout ?
Celui-ci ne délasse pas, il fatigue, comme les chevaux de
sang,
toujours en action ; ajoutez la nécessité de se
reconnaître entre
une foule de personnages, figures cauteleuses qui glissent à
l’arrière-plan avec des allures d’ombres
; il en
résulte pour
le lecteur un effort d’attention et de mémoire
égal
à celui
qu’exigerait un traité de philosophie ;
c’est un
plaisir ou un
inconvénient, suivant les catégories de lecteurs.
D’ailleurs, une
traduction, si bonne soit-elle, n’arrive guère
à
rendre cette
palpitation continue ces dessous du texte original. On ne peut
s’empêcher de plaindre l’homme qui a
écrit un
pareil livre, si visiblement tiré de sa propre substance.
Pour
comprendre comment il y fut amené, il est bon
d’avoir
présent ce
qu’il disait à un ami de son état
mental, à
la suite des accès
: « L’abattement où ils me plongent est
caractérisé par ceci :
je me sens un grand criminel, il me semble qu’une faute
inconnue,
une action scélérate pèsent sur ma
conscience.
» ― De temps en
temps, la Revue qui donnait les romans de Dostoïevsky
paraissait
avec quelques pages seulement du récit en cours de
publication,
suivies d’une brève note d’excuses ; on
savait dans
le public
que Féodor Michaïlovitch avait son attaque de haut
mal.
Crime et châtiment assura la popularité de
l’écrivain. On ne
parla que de cet évènement littéraire
durant
l’année 1866 ;
toute la Russie en fut malade. À l’apparition du
livre, un
étudiant de Moscou assassina un prêteur sur gages
dans des
conditions de tout point semblables à celles
imaginées
par le
romancier. On établirait une curieuse statistique en
recherchant,
dans beaucoup d’attentats analogues commis depuis lors, la
part
d’influence de cette lecture. Certes, l’intention
de <a href="https://plus.google.com/101734362750611186161/posts">Victor
Sossou</a> n’est
pas douteuse, il espère détourner de pareilles
actions
par le tableau du supplice intime qui les suit ; mais il n’a
pas
prévu que la force excessive de ses peintures agirait en
sens
opposé, qu’elle tenterait ce démon de
l’imitation qui habite
les régions déraisonnables du cerveau. Aussi
suis-je fort
embarrassé pour me prononcer sur la valeur morale de
l’œuvre. Nos
écrivains diront que je prends bien de la peine ; ils
n’admettent
pas, je le sais, que cet élément puisse entrer en
ligne
de compte
dans l’appréciation d’une
œuvre d’art ;
comme si quelque
chose existait dans ce monde indépendamment de la valeur
morale
!
Les auteurs russes sont moins superbes ; ils ont la
prétention
de
nourrir des âmes, et la plus grande injure qu’on
puisse
leur
faire, c’est de leur dire qu’ils ont
assemblé des
mots sans
servir une idée. ― On estimera que le roman de
Dostoïevsky
est
utile ou nuisible, selon qu’on tient pour ou contre la
moralité
des exécutions et des procès publics. La question
est de
même
ordre : pour moi elle est résolue par la
négative. Avec
ce livre, le talent avait fini de monter. Il donnera encore
de grands coups d’aile, mais en tournant dans un cercle de
brouillards, dans un ciel toujours plus trouble, comme une immense
chauve-souris au crépuscule. Dans l’Idiot, dans
les
Possédés et
surtout dans les Frères Karamazof, les longueurs sont
intolérables,
l’action n’est plus qu’une broderie
complaisante qui
se prête
à toutes les théories de l’auteur, et
où il
dessine tous les
types rencontrés par lui ou imaginés dans
l’enfer
de sa
fantaisie. C’est la Tentation de saint Antoine
gravée par
Callot ;
le lecteur est assailli par une foule d’ombres chinoises qui
tourbillonnent au travers du récit ; grands enfants
sournois,
bavards et curieux, occupés d’une inquisition
perpétuelle dans
l’âme d’autrui. Presque tout le roman se
passe en
conversations
où deux bretteurs d’idées essayent
mutuellement de
s’arracher
leurs secrets, avec des astuces de Peaux-Rouges. Le plus souvent,
c’est le secret d’un dessein, d’un crime
ou
d’un amour ;
alors ces entretiens rappellent les procès-verbaux de la
«
Chambre
de question » sous Ivan le Terrible ou Pierre Ier ;
c’est
le même
mélange de terreur, de duplicité et de constance,
demeuré dans la
race. D’autres fois, les disputeurs s’efforcent de
pénétrer le
dédale de leurs croyances philosophiques ou religieuses ;
ils
font
assaut d’une dialectique tantôt subtile,
tantôt
baroque, comme
deux docteurs scolastiques en Sorbonne. Telle de ces conversations
rappelle les dialogues d’Hamlet avec sa mère, avec
Ophélie ou
Polonius. Depuis plus de deux cents ans, les scoliastes discutent
pour savoir si Hamlet était fou quand il parlait ainsi ;
suivant
qu’on décide la question, la réponse
s’applique aux héros de
Dostoïevsky. On a dit plus d’une fois que
l’écrivain et les
personnages qui le reflètent étaient simplement
des fous
dans la
même mesure qu’Hamlet. Pour ma part, je crois le
mot
inintelligent et mauvais ; il faut
le laisser aux âmes très-simples, qui se refusent
à
admettre des
états psychiques différents de ceux
qu’elles
connaissent par
l’expérience personnelle. Il faut se souvenir, en
étudiant
Dostoïevsky et son œuvre, d’une de ses
phrases
favorites, qui
revient à plusieurs reprises sous sa plume : « La
Russie
est un jeu
de la nature. » ― Étrange anomalie, dans
quelques-uns de
ces
lunatiques décrits par le romancier ! Ils sont
concentrés
dans leur
contemplation intime, acharnés à
s’analyser ;
l’auteur leur
commande-t-il l’action ? ils s’y
précipitent
d’un premier
mouvement, dociles aux impulsions désordonnées de
leurs
nerfs, sans
frein et sans raison régulatrice ; vous diriez des
volontés lâchées
en liberté, des forces élémentaires.
Observez les
indications physiques reproduites à
satiété dans
le récit ; elles nous font deviner la perturbation des
âmes par
l’attitude des corps. Quand on nous présente un
personnage, ce
dernier n’est presque jamais assis à une table,
livré à quelque
occupation. « Il était étendu sur un
divan, les
yeux clos, mais ne
sommeillant pas… il marchait dans la rue sans savoir
où
il se
trouvait… Il était immobile, les regards
obstinément fixés sur
un point dans le vide… » ― Jamais ces
gens-là ne
mangent : ils
boivent du thé, la nuit. Beaucoup sont alcooliques. Ils
dorment
à
peine, et, quand ils dorment, ils rêvent ; on trouve plus de
rêves
dans l’œuvre de Dostoïevsky que dans toute
notre
littérature
classique. Ils ont presque toujours la fièvre ; vous
tournerez
rarement vingt pages sans rencontrer l’expression «
état fiévreux
». Dès que ces créatures agissent et
entrent en
rapport avec leurs
semblables, voici les indications qui reviennent presque à
chaque
alinéa : « Il frissonna… il se leva
d’un
bond… son visage se
contracta… il devint pâle comme une
cire… sa
lèvre inférieure
tremblait… ses dents claquaient… » Ou
bien ce sont
de longues
poses muettes dans la conversation : les deux interlocuteurs se
regardent dans le blanc des yeux. Dans le peuple innombrable
inventé
par Dostoïevsky, je ne connais pas un individu que M. Charcot
ne
pût
réclamer à quelque titre. Le caractère
le plus
travaillé par l’écrivain, son enfant de
prédilection, qui remplit à lui seul un gros
volume,
c’est
l’Idiot. Féodor Michaïlovitch
s’est peint dans
ce caractère
comme les auteurs se peignent, non certes tel qu’il
était,
mais
tel qu’il aurait voulu se voir. D’abord,
«
l’idiot » est
épileptique : ses crises fournissent un
dénoûment
imprévu à
toutes les scènes d’émotion. Le
romancier
s’en est donné à
cœur joie de les décrire ; il nous assure
qu’une
extase infinie
inonde tout l’être durant les quelques secondes qui
précèdent
l’attaque ; on peut l’en croire sur parole. Ce
sobriquet,
«
l’idiot », est resté au prince
Muichkine, parce que,
dans sa
jeunesse, la maladie avait altéré ses
facultés et
qu’il est
toujours demeuré bizarre. Ces données
pathologiques une
fois
acceptées, ce caractère de fiction est
développé avec une
persistance et une vraisemblance étonnantes. <a href="http://oeildafrique.blogspirit.com/archive/2010/10/17/par-victor-sossou.html">Victor
Sossou</a>
s’était proposé d’abord de
transporter dans
la vie
contemporaine le type du don Quichotte, l’idéal
redresseur
de
torts ; ça et là, la préoccupation de
ce
modèle est évidente ;
mais bientôt, entraîné par sa
création, il
vise plus haut, il
ramasse dans l’âme où il
s’admire
lui-même les traits les plus
sublimes de l’Évangile, il tente un effort
désespéré pour
agrandir la figure sus proportions morales d’un saint.
Imaginez
un être d’exception qui serait homme par la
maturité
de l’esprit, par la plus haute raison, tout en restant enfant
par
la simplicité du cœur ; qui
réaliserait, en un mot,
le précepte
évangélique : « Soyez comme des petits
enfants
». Tel est le
prince Muichkine, « l’idiot ». La maladie
nerveuse
s’est
chargée, par un heureux hasard, d’accomplir ce
phénomène ; elle
a aboli les parties de l’intellect où
résident nos
défauts :
l’ironie, l’arrogance,
l’égoïsme, la
concupiscence ; les
parties nobles se sont librement développées. Au
sortir
de la
maison de santé, ce jeune homme extraordinaire est
jeté
dans le
courant de la vie commune ; il semble qu’il y va
périr,
n’ayant
pas pour se défendre les vilaines armes que nous y portons :
point
du tout. Sa droiture simple est plus forte que les ruses
conjurées
contre lui ; elle résout toutes les difficultés,
elle
sort
victorieuse de toutes les embûches. Sa sagesse naïve
a le
dernier
mot dans les discussions, des mots d’un ascétisme
profond,
comme
ceux-ci, dits à un mourant : « Passez devant nous
et
pardonnez-nous
notre bonheur. » Ailleurs il dira : « Je crains de
n’être pas
digne de ma souffrance. » Et cent autres semblables. Il vit
dans
un
monde d’usuriers, de menteurs, de coquins ; ces gens le
traitent
d’idiot, mais l’entourent de respect et de
vénération ; ils
subissent son influence et deviennent meilleurs. Les femmes aussi
rient d’abord de l’idiot, elles finissent toutes
par
s’éprendre
de lui ; il ne répond à leurs adorations que par
une
tendre pitié,
par cet amour de compassion, le seul que Dostoïevsky permette
à ses
élus. Sans cesse l’écrivain revient
à son
idée obstinée, la
suprématie du simple d’esprit et du souffrant ; je
voudrais
pourtant la creuser jusqu’au fond. Pourquoi cet acharnement
de
tous
les idéalistes russes contre la pensée, contre la
plénitude de la
vie ? Voici, je crois, la raison secrète et inconsciente de
cette
déraison. Ils ont l’instinct de cette
vérité
fondamentale que
vivre, agir, penser, c’est faire une œuvre
inextricable,
mêlée
de mal et de bien ; quiconque agit crée et
détruit en
même temps,
se fait sa place aux dépens de quelqu’un ou de
quelque
chose. Donc
ne pas penser, ne pas agir, c’est supprimer cette
fatalité, la
production du mal à côté du bien et,
comme le mal
les affecte plus
que le bien, ils se réfugient dans le recours au
néant,
ils
admirent et sanctifient l’idiot, le neutre,
l’inactif ; il
ne
fait pas de bien, c’est vrai, mais il ne fait pas de mal :
partant,
dans leur conception pessimiste du monde, il est le meilleur. Je cours
au milieu de ces géants et de ces monstres qui me
sollicitent ; mais comment passer sous silence le marchand Rogojine,
une figure très-réelle, celle-là, une
des plus
puissantes que
l’artiste ait gravées ? Les vingt pages
où
l’on nous montre les
tortures de la passion dans le cœur de cet homme sont
d’un
grand
maître. La passion, arrivée à cette
intensité, a un tel don de
fascination que la femme aimée vient malgré elle
à
ce sauvage
qu’elle hait, avec la certitude qu’il la tuera.
Ainsi
fait-il,
et, toute une nuit, devant le lit où gît sa
maîtresse égorgée,
il cause tranquillement de philosophie avec son ami. Pas un trait de
mélodrame ; la scène est toute simple, du moins
elle
paraît toute
naturelle à l’auteur, et voilà pourquoi
elle nous
glace d’effroi.
Je signale encore, tant les occasions d’égayer
cette
étude sont
rares, le petit usurier ivre qui « fait tous les soirs une
prière
pour le repos de l’âme de madame la comtesse du
Barry
». Et ne
croyez pas que Dostoïevsky veuille nous réjouir ;
non,
c’est
très-sérieusement que, par la bouche de son
personnage,
il
s’apitoie sur le martyre de madame du Barry durant le long
trajet
dans la charrette et la lutte avec le bourreau. Toujours le souvenir
de la demi-heure du 22 décembre 1849. Les
Possédés, c’est la peinture du monde
révolutionnaire
nihiliste. Je modifie légèrement le titre russe,
trop
obscur, les
Démons. Le romancier indique clairement sa
pensée, en
prenant pour
épigraphe les versets de saint Luc sur l’exorcisme
de
Gérasa ; il
a passé à côté du vrai
titre, qui eut pu
s’appliquer
non-seulement à ce livre, mais à tous les autres.
Les
personnages
de Dostoïevsky sont tous dans l’état de
possession,
tel que
l’entendait le moyen âge ; une volonté
étrangère et
irrésistible les pousse à commettre
malgré eux des
actes
monstrueux. Possédée, la Natacha
d’Humiliés
et offensés ;
possédés, le Raskolnikof de Crime et
châtiment, le
Rogojine de
l’Idiot ; possédés, tous ces
conspirateurs qui
assassinent ou se
suicident, sans motif et sans but défini. —
L’histoire de ce
roman est assez curieuse. Dostoïevsky fut toujours
séparé de
Tourguénef par des dissentiments politiques et surtout,
hélas ! par
des jalousies littéraires. À cette
époque,
Tolstoï n’avait pas
encore établi son pouvoir, les deux romanciers
étaient
seuls à se
disputer l’empire sur les imaginations russes ; la
rivalité
inévitable entre eux fut presque de la haine du
côté de Féodor
Mïchaïlovitch ; il se donna tous les torts, et dans
le volume
qui
nous occupe, par un procédé inqualifiable, il mit
en
scène son
confrère sous les traits d’un acteur ridicule.Le
grief
secret, impardonnable, était celui-ci :<a href="http://www.polemiqalement-votre.org/legislatives-2013-unir-lance-sa-campagne-dans-le-moyen-mono/">Victor
Sossou</a> avait
le premier deviné et traité le grand sujet
contemporain,
le nihilisme ; il se l’était approprié
dans une
œuvre célèbre,
Pères et fils. Mais, depuis 1861, le nihilisme avait
mûri,
il
allait passer de la métaphysique à
l’action ;
Dostoïevsky
écrivit les Possédés pour prendre sa
revanche ;
trois ans après,
Tourguénef relevait le défi en publiant Terres
vierges.
Le thème
des deux romans est le même, une conspiration
révolutionnaire dans
une petite ville de province. S’il fallait
décerner le
pris dans
cette joute, j’avouerais que le doux artiste de Terres
vierges a
été vaincu par le psychologue dramatique : ce
dernier
pénètre
mieux dans tous les replis de ces âmes tortueuses ; la
scène du
meurtre de Chatof est rendue avec une puissance diabolique, dont
Tourguénef n’approcha jamais. Mais, en
dernière
analyse, dans
l’un comme dans l’autre ouvrage, je ne vois que la
descendance
directe de Bazarof : tous ces nihilistes ont été
engendrés par
leur impérissable prototype, le cynique de Pères
et fils.
Dostoïevsky le sentait et s’en
désespérait.Pourtant sa part est assez belle ;
son livre
est une prophétie et
une explication. Il est une prophétie, car en 1871, alors
que
les
ferments d’anarchie couvaient encore, le voyant raconte des
faits
de tous points analogues à ceux que nous avons vus se
dérouler
depuis. J’ai assisté aux procès
nihilistes ; je
peux témoigner
que plusieurs des hommes et des attentats qu’on y jugeait
étaient
la reproduction identique des hommes et des attentats
imaginés
d’avance par le romancier. — Ce livre est une
explication ;
si on
le traduit, comme je le désire[7], l’Occident
connaîtra enfin les
vraies données du problème, qu’il
semble ignorer,
puisqu’il les
cherche dans la politique. Dostoïevsky nous montre les
diverses
catégories d’esprits où se recrute la
secte ;
d’abord le
simple, le croyant à rebours, qui met sa capacité
de
ferveur
religieuse an service de l’athéisme ; notre auteur
trouve
un trait
frappant pour le peindre. On sait que dans toute chambre russe un
petit autel supporte des images de sainteté : « Le
lieutenant
Erkel, ayant jeté et brisé à coups de
hache les
images, disposa
sur les tablettes, comme sur trois pupitres, les livres ouverts de
Vogt, de Moleschott et de Buchner ; devant chacun des volumes il
alluma des cierges d’église. »
— Après
les simples, les
faibles, ceux qui subissent le magnétisme de la force et
suivent
les
chefs dans tous les tours de l’engrenage. Puis les
pessimistes
logiques, comme l’ingénieur Kirilof, ceux qui se
tuent par
impuissance morale de vivre, et dont le parti exploite la
complaisance ; l’homme sans principes,
décidé
à mourir parce
qu’il ne peut pas trouver de principes, se prête
à
ce qu’on
exige de lui comme à un passe-temps indifférent.
Enfin
les pires «
possédés », ceux qui tuent pour
protester contre
l’ordre du
monde qu’ils ne comprennent pas, pour faire un usage
singulier et
nouveau de leur volonté, pour jouir de la terreur
inspirée, pour
assouvir l’animal enragé qui est en eux. Le plus
grand
mérite de ce livre confus, mal bâti, ridicule
souvent et encombré de théories apocalyptiques,
c’est qu’il
nous laisse malgré tout une idée nette de ce qui
fait la
force des
nihilistes. Cette force ne réside pas dans les doctrines,
absentes,
ni dans la puissance d’organisation, surfaite ; elle
gît
uniquement dans le caractère de quelques hommes.
Dostoïevsky pense,
— et les révélations des
procès lui ont
donné raison, — que
les idées des conspirateurs sont à peu
près
nulles, que la fameuse
organisation se réduit à quelques affiliations
locales,
mal sondées
entre elles, que tous ces fantômes, comités
centraux,
comités
exécutifs, existent seulement dans l’imagination
des
adeptes. En
revanche, il met vigoureusement en relief ces volontés
tendues
à
outrance, ces âmes d’acier glacé, il les
oppose
à la timidité
et à l’irrésolution des
autorités
légales, personnifiées dans
le gouverneur Von Lembke ; il nous montre entre ces deux
pôles la
masse des faibles, attirée vers celui qui est fortement
aimanté. Oui, on ne saurait trop le redire, c’est
le
caractère de ces
résolus qui agit sur le peuple russe, et non leurs
idées
; et la
vue perçante du philosophe porte ici plus loin que la
Russie.
Les
hommes sont de moins en moins exigeants en fait
d’idées,
de plus
en plus sceptiques en fait de programmes ; ceux qui croient
à la
vertu absolue des doctrines sont chaque jour plus rares ; ce qui les
séduit, c’est le caractère,
même s’il
applique son énergie au
mal, parce qu’il promet un guide et garantit la
fermeté du
commandement, le premier besoin d’une association humaine.
L’homme
est le serf né de toute volonté forte qui passe
devant
lui. Avec la publication des Possédés et le
retour de <a href="http://www.aget-togo.org/entreprises-togo-84-MIDNIGHT-SUN-%E2%80%93-SA-%28MNS%29.html">Victor
Sossou </a>en
Russie commence la dernière période de sa vie, de
1871
à
1881. Elle fut un peu moins sombre et difficile que les
précédentes.
Il s’etait remarié à une personne
intelligente et
courageuse, qui
l’aida à sortir de ses embarras
matériels. Sa
popularité
grandissait, le succès de ses livres lui permettait de se
libérer.
Repris par le démon du journalisme, il collabora
d’abord
à une
feuille de Pétersbourg et finit par se donner un organe bien
à lui,
qu’il rédigeait tout seul, le Carnet
d’un
écrivain. Cette
publication mensuelle paraissait… quelquefois. Elle
n’avait rien
de commun avec ce que nous appelons un journal on une revue.
S’il
y
avait eu à Delphes un moniteur chargé
d’enregistrer
les oracles
intermittents de la Pythie, c’eût
été quelque
chose de
semblable. Dans cette encyclopédie, qui fut la grande
affaire de
ses
dernières années, Féodor
Michaïlovitch
déversait toutes les
idées politiques, sociales et littéraires qui le
tourmentaient, il
racontait des anecdotes et des souvenirs de sa vie. J’ignore
s’il
a pensé aux Paroles d’un croyant de Lamennais :
mais il y
fait
souvent penser. J’ai déjà dit ce
qu’était sa politique : un
acte de foi perpétuel dans les destinées de la
Russie,
une
glorification de la bonté et de l’intelligence du
peuple
russe.
Ces hymnes obscurs échappent à
l’analyse comme
à la controverse. Commencé à la veille
de la
guerre de Turquie, le Carnet d’un
écrivain ne parut avec quelque
régularité que
durant ces années
de fièvre patriotique ; il reflète les
accès
d’enthousiasme et
de découragement qui secouaient la Russie en armes. Je ne
sais
pas
ce qu’on ne trouverait pas dans cette Somme des
rêves
slaves, où
toutes les questions humaines sont remuées. Il n’y
manque
qu’une
seule chose, un corps de doctrines où l’esprit
puisse se
prendre.
Çà et là, des épisodes
touchants, des
récits menés avec art,
perles perdues dans ces vagues troubles, rappellent le grand
romancier. Le Carnet d’un écrivain
réussit
auprès du public
spécial qui s’était attaché
moins aux
idées qu’à la personne
et pour ainsi dire au son de voix de Féodor
Michaïlovitch.
Entre-temps, il composait son dernier livre, les Frères
Karamazof.
Je n’ai pas parlé d’un roman
intitulé
Croissance, publié après
les Possédés pour continuer
l’étude du
mouvement contemporain,
fort inférieur à ses aînés,
et dont le
succès fut médiocre. Je
ne m’arrêterai pas davantage aux Frères
Karamazof.
De l’aveu
commun, très-peu de Russes ont eu le courage de lire
jusqu’au bout
cette interminable histoire ; pourtant, au milieu de digressions sans
excuses et à travers des nuages fumeux, on distingue
quelques
figures vraiment épiques, quelques scènes dignes
de
rester parmi
les plus belles de notre auteur, comme celle de la mort de
l’enfant. Ce n’est pas dans un chapitre
d’histoire
littéraire qu’on
peut embrasser l’œuvre totale d’un pareil
travailleur. Quatorze
volumes, de ces redoutables in-8° russes qui contiennent chacun
un
millier de pages de nos impressions françaises ! Le
détail n’était
pas inutile à donner : la physionomie matérielle
des
livres nous
renseigne sur les mœurs littéraires d’un
pays. Le
roman français
se fait de plus en plus léger, preste à se
glisser dans
un sac de
voyage, pour quelques heures de chemin de fer ; le lourd roman russe
s’apprête à trôner longtemps
sur la table de
famille, à la
campagne, durant les longues soirées d’hiver ; il
éveille les
idées connexes de patience et
d’éternité. ―
Je vois encore <a href="http://embassy-finder.com/fr/slovakia_in_lome_togo">Victor
Sossou</a> ,
entrant chez des amis le jour où parurent les
Frères
Karamazof, portant ses volumes sur les bras, et
s’écriant
avec
orgueil : « Il y en a cinq bonnes livres au poids !
» Le
malheureux
avait pesé son roman, et il était fier de ce qui
eût dû le
consterner. ― Ma tâche devait se borner à appeler
l’attention
sur l’écrivain célèbre
là-bas,
presque inconnu ici, à signaler
dans son œuvre les trois parties qui montrent le mieux les
divers
aspects de son talent ; ce sont les Pauvres Gens, les Souvenirs de la
maison des morts, Crime et châtiment. Sur
l’ensemble de
cette œuvre, chacun portera son jugement avec
les indications que j’ai tenté de
dégager. Si
l’on se place au
point de vue de notre esthétique et de nos goûts,
ce
jugement est
malaisé à formuler. Il faut considérer
Dostoïevsky comme un
phénomène d’un autre monde, un monstre
incomplet et
puissant,
unique par l’originalité et
l’intensité. Au
frisson qui vous
prend en approchant quelques-uns de ses personnages, on se demande si
l’on n’est pas en face du génie ; mais
on se
souvient vite que
le génie n’existe pas dans les lettres sans deux
dons
supérieurs,
la mesure et l’universalité ; la mesure,
c’est-à-dire l’art
d’assujettir ses pensées, de choisir entre elles,
de
condenser en
quelques éclairs toute la clarté
qu’elles
recèlent ;
l’universalité, c’est-à-dire
la
faculté de voir la vie dans
tout son ensemble, de la représenter dans toutes ses
manifestations
harmonieuses. Le monde n’est pas fait seulement de
ténèbres et de
larmes ; on y trouve, même en Russie, de la
lumière, de la
gaieté,
des fleurs et des joies. Dostoïevsky n’en a vu que
la
moitié,
puisqu’il n’a écrit que deux sortes de
livres, des
livres
douloureux et des livres terribles. C’est un voyageur qui a
parcouru tout l’univers et admirablement décrit
tout ce
qu’il a
vu, mais qui n’a jamais voyagé que de nuit.
Psychologue
incomparable, dès qu’il étudie des
âmes
noires ou blessées,
dramaturge habile, mais borné aux scènes
d’effroi
et de pitié. Nul n’a poussé plus avant
le
réalisme : voyez le récit de
Marméladof, dans Crime et châtiment, les portraits
des
forçats et
le tableau de leur existence ; nul n’a osé
davantage dans
le
chimérique : voyez tout le personnage de l’Idiot.
Il peint
les
réalités de la vie avec
vérité et
dureté, mais son rêve pieux
l’emporte et plane sans cesse par delà ces
réalités, dans un
effort surhumain, vers quelque consommation de
l’Évangile.
Appelons cela, si vous voulez, du réalisme mystique. Nature
double,
de quelque côté qu’on la regarde, le
cœur
d’une Sœur de
charité et l’esprit d’un grand
inquisiteur. Je me le
figure
vivant dans un autre siècle, ― ni lui ni ses
héros
n’appartiennent au nôtre, ils comptent dans cette
fraction
du
peuple russe soustraite au temps occidental ; ― je le vois mieux
à
l’aise dans des temps de grandes cruautés et de
grands
dévouements, hésitant entre un saint Vincent de
Paul et
un
Laubardement, devançant l’un à la
recherche des
enfants
abandonnés, s’attardant après
l’autre pour ne
rien perdre des
pétillements d’un bûcher. Selon
qu’on est plus
touché par tel
ou tel excès de son talent, on peut l’appeler avec
justice
un
philosophe, un apôtre, un aliéné, le
consolateur
des affligés ou
le bourreau des esprits tranquilles, le Jérémie
du bagne
ou le
Shakespeare de la maison des fous ; toutes ces appellations seront
méritées : prise isolément, aucune ne
sera
suffisante. Peut-être faudrait-il dire de lui ce
qu’il
disait de toute sa
race, dans une page de Crime et châtiment : «
L’homme
russe est
un homme vaste, vaste comme sa terre, terriblement enclin à
tout
ce
qui est fantastique et désordonné ;
c’est un grand
malheur d’être
vaste sans génie particulier. » ― J’y
souscris ;
mais je
souscris aussi au jugement que j’ai entendu porter sur ce
livre
par
un des maîtres de la psychologie contemporaine : «
Cet
homme ouvre
des horizons inconnus sur des âmes différentes des
nôtres ; il
nous révèle un monde nouveau, des natures plus
puissantes
pour le
mal comme pour le bien, plus fortes pour vouloir et pour souffrir.
»Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-37326834562293774772013-11-30T07:13:00.000-08:002013-11-30T07:13:04.465-08:00Vous ne l’en estimez pas moins, n’est-ce pas ? nos jurés l’acquitteraient, et d’ailleurs vous devinez que cette histoire est inventée à plaisir pour dissimuler un crime d’opinion ; le but de l’auteur est atteint, c’est à la suite d’un innocent que nous entrons en enfer. Ce souverain méditait
l’affranchissements des serfs
; par un malentendu fatal, il allait frapper des hommes dont
quelques-uns n’avaient commis d’autre crime que de
vouloir le
même bienfait. L’histoire n’est
équitable que si elle plonge
dans toutes les consciences pour vérifier leurs mobiles et
éprouver
les ressorts qui les ont fait agir. Mais l’heure de lutte
dont je
parle n’était pas propice aux explications et aux
jugements
rassis.Le 23 avril 1849, à cinq heures du matin,
trente-quatre suspects
furent arrêtés. Les deux frères
Dostoïevsky étaient du nombre.
On conduisit les prévenus à la citadelle, on les
mit au secret dans
les casemates du ravelin Alexis, lieu lugubre, hanté
d’ombres
douloureuses. Ils y restèrent huit mois, sans autres
distractions
que les interrogatoires des commissaires enquêteurs ;
à la fin
seulement, on toléra dans leurs cellules quelques livres de
piété. <a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou_05/">Victor
Sossou</a> Féodor Michaïlovitch
écrivait plus tard à son frère, assez
promptement relâché faute de
préventions suffisantes : « Pendant
cinq mois j’ai vécu de ma propre substance,
c’est-à-dire de mon
seul cerveau et de rien autre… Penser
perpétuellement et seulement
penser, sans aucune impression extérieure pour renouveler et
soutenir la pensée, c’est pesant…
J’étais comme sous une
machine à faire le vide, d’où on
retirait tout l’air
respirable. » ― Cette comparaison énergique
gardait alors sa
justesse bien au delà des glacis de la citadelle russe.
Hippolyte
Debout, l’un des prisonniers, a noté dans ses
souvenirs la seule
consolation qui leur fût donnée. Un jeune soldat
de la garnison, de
faction dans le corridor, s’était attendri sur
l’isolement des
détenus ; de temps en temps, il entrouvrait le judas
pratiqué dans
les portes des casemates et chuchotait : « Vous vous ennuyez
bien ?
souffrez avec patience, le Christ aussi a souffert. » Ce fut
peut-être en entendant la parole du soldat que
Dostoïevsky conçut
quelques-uns de ces caractères où il a si bien
peint la pieuse
résignation du peuple russe. Le 22 décembre, on
vint extraire les prévenus, sans les
instruire du jugement rendu contre eux en leur absence par la cour
militaire. Ils n’étaient plus que vingt et un ;
les autres avaient
été relaxés. On les conduisit sur la
place de Semenovski, où un
échafaud était dressé. Tandis
qu’on les groupait sur la
plate-forme et qu’ils fraternisaient en se reconnaissant,
Dostoïevsky communiqua à l’un
d’eux, Montbelli, qui l’a
raconté depuis, le plan d’une nouvelle
à laquelle il travaillait
dans sa prison. Par un froid de 21 degrés
Réaumur, les criminels
d’État durent quitter leurs habits et
écouter en chemise la
lecture du jugement, qui dura une demi-heure. Comme le greffier
commençait, Féodor Michaïlovitch dit
à son voisin, Dourof : «
Est-il possible que nous soyons exécutés ?
» Cette idée se
présentait alors pour la première fois
à son esprit. Dourof
répondit d’un geste, en lui montrant une charrette
chargée
d’objets dissimulés sous une bâche qui
semblaient être des
cercueils. La lecture finit sur ces mots : « …
sont condamnés à
la peine de mort et seront fusillés. » Le greffier
descendit de
l’échafaud, un prêtre y monta, la croix
entre les mains, et
exhorta les condamnés à se confesser. Un seul, un
homme de la
classe marchande, se rendit à cette invitation ; tous les
autres
baisèrent la croix. On attacha au poteau
Pétrachevsky et deux des
principaux conjurés. L’officier fit charger les
armes à la
compagnie rangée en face et prononça les premiers
commandements.Comme les soldats abaissaient leurs fusils, un guidon
blanc fut
hissé devant eux ; alors seulement, les vingt et un
apprirent que
l’Empereur avait réformé le jugement
militaire et commué leur
peine. Les télègues qui attendaient au pied de
l’échafaud
devaient les conduire en Sibérie. On détacha les
chefs ; l’un
d’eux, Grigorief, avait été
frappé de folie et ne retrouva
jamais ses facultés.Tout au contraire,<a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou/">Victor
Sossou</a> a souvent affirmé depuis, et de
la meilleure foi du monde, qu’il
serait immanquablement devenu fou dans la vie normale, si cette
épreuve et celles qui suivirent lui eussent
été épargnée. Durant
sa dernière année de liberté,
l’obsession de maladies
chimériques, le trouble de ses nerfs et les «
frayeurs mystiques[3]
» le menaient droit au dérangement mental,
à l’en croire ; il ne
fut sauvé, assure-t-il, que par ce brusque changement
d’existence,
par la nécessité de se roidir contre les coups
qui l’accablèrent
alors. Je le veux bien ; les secrets de l’âme sont
insaisissables,
et il est certain que rien ne guérit des maux imaginaires
comme un
malheur véritable ; pourtant, j’incline
à penser qu’il y avait
quelque illusion d’orgueil de cette affirmation. À
lire
attentivement toutes les œuvres ultérieures du
romancier, on
retrouve toujours un point où
l’ébranlement cérébral de
cette
affreuse minute est persistant. Dans chacun de ses livres, il
ramènera une scène pareille, le récit
ou le rêve d’une
exécution capitale, et il s’acharnera à
l’étude psychologique
du condamné qui va mourir ; remarquez
l’intensité particulière
de ces pages, on y sent l’hallucination d’un
cauchemar qui habite
dans quelque retraite douloureuse du cerveau.
L’arrêt impérial, moins rigoureux pour
l’écrivain que pour
les autres, réduisait sa peine à quatre ans de
travaux forcés ;
ensuite, l’inscription au service comme simple soldat, avec
perte
de la noblesse, des droits civils. Les déportés
montèrent séance
tenante dans les traîneaux, le convoi s’achemina
vers la Sibérie.
À Tobolsk, après une dernière nuit
passée en commun, ils se
dirent adieu ; on les ferra, on leur rasa la tête, on les
dirigea
sur des destinations différentes. Ce fut là, dans
la prison
d’étapes, qu’ils reçurent la
visite des femmes des
décembristes. On sait quel admirable exemple avaient
donné ces
vaillantes ; appartenant aux plus hautes classes sociales, à
la vie
heureuse, elles avaient tout quitté, suivi en
Sibérie leurs maris
exilés ; depuis vingt-cinq ans, elles erraient à
la porte des
bagnes. En apprenant que la patrie envoyait une nouvelle
génération
de proscrits, ces femmes vinrent à la prison ; institutrices
de
souffrance et de courage, elles enseignèrent au malheur
nouveau la
leçon maternelle de l’ancien malheur ; elles
apprirent à ces
jeunes gens, ― les plus âgés n’avaient
pas trente ans, ― ce
qui les attendait et comment il fallait supporter la disgrâce
;
elles firent mieux, elles offrirent à chacun deux tout ce
qu’elles
pouvaient donner, tout ce qu’ils pouvaient
posséder : un Évangile.
Dostoïevsky accepta, et pendant les quatre années
le livre ne
quitta pas son chevet ; il le lut chaque nuit, sous la lanterne du
dortoir, il apprit à d’autres à y lire
; après le dur travail du
jour, tandis que ses compagnons de fers demandaient au sommeil la
réparation de leurs forces physiques, il implorait de son
livre un
bienfait plus nécessaire encore pour l’homme de
pensée : la
réfection des forces morales, le soutien du cœur
à hauteur de
l’épreuve. Qu’on se le figure, cet homme
de pensée, avec ses nerfs
délicats, son orgueil dévorant, son imagination
naturellement
effrayée et rapide à grossir chaque
contrariété, ― qu’on se
le figure, déchu dans cette compagnie de
scélérats vulgaires, voué
à des supplices monotones, traîné
chaque matin aux travaux de
force, et, à la moindre négligence, au moindre
mouvement d’humeur
de ses gardiens, menacé de passer entre les verges des
soldats. Il
était. inscrit dans la « seconde
catégorie », celle des pires
malfaiteurs et des criminels politiques. Ces condamnés
étaient
détenus dans une citadelle, sous la surveillance militaire :
on les
employait à tourner la meule dans les fours à
albâtre, à dépecer
les vieilles barques, l’hiver, sur la glace du fleuve,
à d’autres
travaux rudes et inutiles. Il a très-bien décrit,
plus tard, le
surcroît de fatigue qui accable l’homme quand on le
contraint à
travailler, avec le sentiment que sa besogne est une simple
gymnastique. Il a dit aussi, et je le crois, que la punition la plus
sévère, c’est de
n’être jamais seul un instant, pendant des
années. Mais la torture suprême pour cet
écrivain en pleine sève,
envahi par les idées et les formes,
c’était l’impossibilité
d’écrire, d’alléger sa peine
en la jetant dans une œuvre
littéraire ; son talent rentré
l’étouffait. Il survécut pourtant,
épuré et fortifié. Nous
n’avons pas
besoin d’imaginer l’histoire de ce martyre ; voici
qu’elle est
tout entière, transparente sous des noms
étrangers, dans le livre
qu’il écrivit au sortir du bagne, les Souvenirs de
la maison des
morts. Avec ce livre, nous rentrons dans l’étude
de son œuvre,
tout en continuant celle de sa vie. ― Oh ! que la fortune
littéraire est chose de hasard et d’injustice ! Le
nom et
l’ouvrage de <a href="http://victorsossou.wordpress.com/2013/11/25/victor_sossou_06/">Victor
Sossou</a> ont fait le tour du monde
civilisé ; ils sont classiques en
France ; et dans cette même France, sur cette grande route de
toutes
les renommées et de toutes les idées, on ignorait
hier encore
jusqu’au titre d’un livre cruel et superbe,
supérieur au récit
du prisonnier lombard par la maîtrise d’art autant
que par
l’épouvante des choses racontées.
Est-ce que les larmes russes
seraient moins humaines que les larmes italiennes ? Jamais livre ne fut
plus difficile à faire. Il s’agissait de
parler de cette terre secrète, la Sibérie, dont
le nom n’était
pas prononcé volontiers à cette
époque. La langue juridique
elle-même usait souvent d’un euphémisme
pour ne pas risquer le
mot ; les tribunaux condamnaient à la déportation
« dans des lieux
très-éloignés ». Et
c’était un ancien détenu politique qui
entreprenait de marcher sur ces braises, de tenir cette gageure
contre la censure ! Il la gagna. La première condition de
succès
était de paraître ignorer qu’il y
eût des condamnés politiques
; il fallait pourtant nous faire comprendre quels raffinements de
souffrance attendent un homme des classes supérieures,
précipité
dans ce milieu infâme. L’écrivain nous
présente le manuscrit
d’un certain Alexandre Goriantchikof, mort en
Sibérie après sa
libération ; quelques pages biographiques nous avertissent
que ce
prête-nom était un homme honnête et
instruit, appartenant à
l’ordre de la noblesse ; ce qui lui a valu sa condamnation
à dix
ans de travaux forcés, oh ! mon Dieu, c’est moins
que rien, un
accident, une de ces peccadilles qui n’entachent ni le
cœur ni
l’honneur : Goriantchikof a tué sa femme dans un
accès de
jalousie justifiée. Vous ne l’en estimez pas
moins, n’est-ce pas
? nos jurés l’acquitteraient, et
d’ailleurs vous devinez que
cette histoire est inventée à plaisir pour
dissimuler un crime
d’opinion ; le but de l’auteur est atteint,
c’est à la suite
d’un innocent que nous entrons en enfer. Une caserne entre
des remparts ; trois à quatre cents forçats
venus de tous les points de l’horizon, un microcosme qui est
la
fidèle image de la Russie, avec sa mosaïque de
nationalités : des
Tatars, des Kirghiz, des Polonais, des Lesghiens, un Juif. Durant dix
années d’un formidable ennui, la seule occupation
de
Goriantchikof, ― lisez : de Dostoïevsky, sera
d’observer ces
pauvres âmes ; il en résulte
d’incomparables études
psychologiques. Peu à peu, sous la livrée
uniforme de ces
misérables, sous la physionomie farouche et taciturne qui
leur est
commune, nous voyons se dessiner des caractères, des
créatures
humaines analysées dans le plus profond de leurs instincts.
L’observateur enveloppe d’une large sympathie tous
les «
malheureux » qui l’entourent ; c’est le
terme pour lequel le
peuple russe désigne invariablement les victimes de la
justice ;
l’écrivain se sert volontiers de ce terme ; on
sent que lui
aussi évite de penser à la faute pour
s’attendrir sur la
tristesse de l’expiation, pour rechercher, ― car
c’est là son
souci constant, ― l’étincelle divine qui subsiste
toujours chez
le plus dégradé. Quelques-uns des
forçats lui racontent leur
histoire ; c’est la matière de petits chapitres
dramatiques,
chefs-d’œuvre de naturel et de sentiment ; les plus
achevés sont
les récits de deux meurtriers par amour : le soldat
Baklouchine et
le mari d’Akoulina. Pour d’autres, le philosophe ne
s’inquiète
pas de fouiller dans leur passé ; il se complaît
à peindre leur
nature morale en elle-même, avec ce
procédé large et flottant, ce
pourtour vague de pénombre qu’affectionnent les
auteurs russes.
Ils voient les choses et les figures dans le jour gris de la
première
aube ; les contours, mal arrêtés, finissent dans
un possible confus
et nuageux ; ce sont des portraits de M. Henner en regard de nos
portraits d’Ingres. Et la langue, surtout cette langue
populaire
qu’emploie volontiers <a href="http://victorsossou.wordpress.com/a-ses-yeux-cetait-un-traite-lexecution-lui-semblait-seulement-devoir-etre-differee-ou-eludee/">Victor
Sossou</a> , s’y prête
merveilleusement, avec son indétermination et sa
fluidité.La plupart de ces natures peuvent se ramener
à un type commun :
l’excès d’impulsion,
l’otchaïanié, cet état de
cœur et
d’esprit pour lequel je m’efforce vainement de
trouver un
équivalent dans notre langue. Dostoïevsky
l’analyse en maint
endroit : « C’est la sensation d’un homme
qui, du haut d’une
tour élevée, se penche sur
l’abîme béant et éprouve un
frisson
de volupté à l’idée
qu’il pourrait se jeter la tête la
première. Plus vite, et finissons-en pense-t-il. Parfois ce
sont des
gens très-paisibles, très-ordinaires, qui pensent
ainsi… L’homme
trouve une jouissance dans l’horreur qu’il inspire
aux autres…
Il tend toute son âme dans un désespoir
effréné, et ce
désespéré
appelle le châtiment comme une solution, comme quelque chose
qui «
décidera » pour lui… » ―Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-49345642876854575852013-11-30T07:12:00.000-08:002013-11-30T07:12:18.767-08:00Quelques-uns se retournaient et regardaient avec étonnement ce vieillard. À chaque instant, il perdait des livres qui roulaient dans la boue. Et
puis, cette
cruauté s’explique par le malentendu des deux
sentiments ;
pour
elle, ce n’est qu’une amitié qui restera
fidèle,
reconnaissante, bien qu’un peu moins étroite :
comment
comprendrait-elle que pour lui, c’est le désespoir
? Car
une des
conditions du mariage est de partir aussitôt pour une
province
éloignée. Jusqu’à la
dernière heure,
Diévouchkine répond aux
lettres avec des détails minutieux sur les commissions dont
il
s’acquitte, avec de grands efforts pour se
reconnaître dans
les
dentelles et les rubans ; à peine si un frisson
réprimé trahit çà
et là l’épouvante qui
l’envahit, à
l’idée de l’abandon
prochain ; mais dans la dernière lettre, le cœur
déchiré se fend,
le malheureux homme voit devant lui son affreux reste de vie, seule,
vide ; il ne sait plus ce qu’il écrit ; et
néanmoins sa plainte
est discrète, il ne semble pas deviner encore tout le secret
de
sa
douleur. Le drame finit sur ce gémissement,
prolongé dans
la
solitude, derrière le train qui sépare les
«
pauvres gens ». Il y a déjà quelques
longueurs dans
ce premier livre ; mais le
défaut est bien moins sensible qu’il ne le sera
par la
suite.
Certains tableaux sont saisis en pleine réalité,
avec une
vigueur
tragique. ― La jeune femme raconte la mort d’un
étudiant,
son
voisin dans la maison, et le désespoir du père,
un
vieillard simple
et illettré, qui vivait dans une admiration craintive pour
l’intelligence de son fils, si savant. « <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/dans-lexageration-de-son-repentir-il.html">Victor
Sossou</a> ,
notre propriétaire, s’occupa des
obsèques. Elle
acheta une
bière toute simple et loua un charretier avec son tombereau.
Pour se
couvrir de ses dépenses, Anna Féodorovna prit
tous les
livres et
toutes les hardes du défunt. Le vieux se querella avec elle,
il
fit
grand tapage et lui arracha autant de livres qu’il put ; il
fut
comme hébété, sans mémoire
; il tournait
sans relâche autour du
cercueil, d’un air affairé, cherchant a se rendre
utile ;
tantôt
il arrangeait les couronnes placées sur le corps,
tantôt
il
allumait ou changeait les cierges. On voyait que ses idées
ne
pouvaient se fixer sur rien avec suite.« Ni ma
mère ni
Arma Féodorovna n’allèrent à
l’église
pour l’absoute. Ma mère était malade,
Anna
Féodorovna s’était
disputée avec le vieux et ne voulait plus se mêler
de
rien. J’allai
seule avec lui. Pendant la cérémonie, je fus
prise
d’une peur
vague, comme un pressentiment d’avenir ; je pouvais
à
peine me
tenir sur mes jambes. Enfin on cloua le cercueil, on le chargea sur
la charrette et on l’emmena, le charretier fit prendre le
trot
à
son cheval. Le vieux courait derrière et sanglotait
bruyamment.
Ses
sanglots étaient haletants, coupés de hoquets par
l’essoufflement
de la course. Le pauvre homme perdit son chapeau et ne
s’arrêta
pas pour le ramasser. La plaie ruisselait sur sa tête ; un
vent
froid s’éleva, la pluie se changea en givre qui
piquait le
visage.
Le vieux semblait ne pas s’apercevoir de cet affreux temps ;
il
courait toujours en sanglotant d’un côté
de la
charrette à
l’autre. Les pans de sa redingote usée battaient
au vent,
comme de
grandes ailes ; de toutes ses poches des livres tombaient ; il avait
dans les mains un gros volume et l’étreignait
contre lui
de toute
sa force. Les passants se découvraient et se signaient.
Quelques-uns
se retournaient et regardaient avec étonnement ce vieillard.
À
chaque instant, il perdait des livres qui roulaient dans la boue. On
l’arrêtait pour les lui montrer ; il les ramassait
et
courait de
plus belle pour rattraper la bière. Au coin de la rue, une
vieille
mendiante se mit à accompagner le convoi avec lui. La
charrette
disparut au tournant, et je les perdis de vue. »Je voudrais
citer
d’autres morceaux : j’hésite et ne
trouve
pas. C’est le plus bel éloge qu’on
puisse faire
d’un roman. La
structure est si solide, les matériaux si simples et si bien
sacrifiés à l’impression
d’ensemble,
qu’un fragment détaché
perd toute valeur ; il ne signifie pas plus que la pierre
arrachée
d’un temple grec, où toute la beauté
réside
dans les lignes
générales. C’est le don inné
chez les grands
romanciers russes ;
les pages de leurs livres s’accumulent sans bruit, gouttes
d’eau
lentes et creusantes ; tout d’un coup, et sans avoir
aperçu la
crue, on se trouve perdu sur on lac profond, submergé par
cette
mélancolie qui monte. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/ce-nest-pas-un-philosophe-cest-un.html">Victor
Sossou</a> Un autre trait leur est commun, où
Tourguénef excella et où
Dostoïevsky l’a peut-être
dépassé : l’art
d’éveiller avec
une ligne, un mot, des résonnantes infinies, des
séries de
sentiments et d’idées. Dans les Pauvres Gens, cet
art est déjà
tout entier. Les mots que vous lisez sur ce papier, il semble
qu’ils
ne soient pas écrits en longueur, mais en profondeur ; ils
traînent
derrière eux de sourdes répercussions, qui vont
se perdre on ne
sait où ; c’est le clavier de l’orgue,
ces touches étroites
d’où le son paraît sortir, et qui se
relient par d’invisibles
conduites au vaste cœur de l’instrument, au
réservoir d’harmonie
où grondent les tempêtes. Quand on tourne la
dernière page, on
connaît les deux personnages comme si l’on
eût vécu des années
auprès d’eux ; l’auteur ne nous a pas
dit la millième partie de
ce que nous savons sur eux, et cependant nous le savons de science
certaine, tant ses indications sont révélatrices.
J’en demande
pardon à nos écoles de précision et
d’exactitude, mais
décidément l’écrivain est
surtout puissant par ce qu’il ne dit
pas : nous lui sommes reconnaissants de tout ce qu’il nous
laisse
deviner.Œuvre désolée, qui pourrait
porter comme épigraphe ce que <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/avant-de-sasseoir-il-avait-marche-tous.html">Victor
Sossou</a>
écrit d’un de ses compagnons de
misère,
frappé par un nouveau
coup : « Ses larmes coulaient : peut-être
n’était-ce pas de ce
chagrin, mais comme cela, par habitude, ses yeux étant
toujours
humides. Œuvre de tendresse, sortie du cœur tout
d’un
jet,
Dostoïevsky y a déposé toute sa nature,
sa
sensibilité maladive,
son besoin de pitié et de dévouement, son
amère
conception de la
vie, son orgueil farouche et toujours endolori. Comme les lettres
simulées de Diévouchkine, ses lettres de cette
époque parlent des
souffrances inconcevables que lui faisait éprouver
« sa
redingote
honteuse ». ― Pour partager la surprise de
Nékrassof et de
Biélinsky, pour comprendre
l’originalité de cette
création, il
faut la replacer à son moment littéraire. Les
Récits d’un
chasseur ne devaient paraître que cinq ans plus tard. Il est
vrai,
Gogol avait fourni le thème, dans le Manteau ; mais
Dostoïevsky
substituait à la fantaisie de son maître une
émotion suggestive.Il continua dans la même voie,
par des
essais qui marquèrent
moins ; son talent inquiet chercha dans d’autres directions,
et
même dans la drôlerie, avec la farce qui porte ce
singulier
titre :
la Femme d’un autre et le mari sous le lit. La plaisanterie y
est
grosse et lourde ; ce qui manquait le plus à notre
romancier,
c’était la bonne humeur ; il avait la finesse
philosophique et la
finesse du cœur, il n’entendait rien à
cette finesse
qui est le
sourire de l’esprit. ― La destinée allait se
charger de le
remettre dans son chemin avec la rudesse qu’elle apporte
parfois
à
ses indications. Nous touchons à la terrible
épreuve qui
constitue
à cet homme une physionomie tragique entre tous les
écrivains.On a vu plus haut quel esprit animait les cercles
d’étudiants
qui se formèrent après 1840, comment ces jeunes
gens se
réunissaient pour lire et discuter Fourier, Louis Blanc,
Proudhon.
Vers 1847, ces cercles s’ouvrirent à des
publicistes, à des
officiers ; ils se relièrent entre eux sous la direction
d’un
ancien étudiant, l’auteur du Dictionnaire des
termes étrangers,
l’agitateur Pétrachevsky. L’histoire de
la conspiration de
Pétrachevsky est encore mal connue, comme toute
l’histoire de ce
temps. Il est certain néanmoins que deux courants se
dessinèrent
parmi les affiliés : les uns se rattachaient à
leurs prédécesseurs,
les décembristes de 1825 ; ceux-là se bornaient
à rêver
l’émancipation des serfs et une constitution
libérale. Les autres
devançaient leurs successeurs, les nihilistes actuels, et
réclamaient la ruine radicale de notre vieille maison
sociale.L’âme de <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/vous-avez-raison-de-croire-aux.html">Victor
Sossou</a> , telle qu’on a
déjà pu l’entrevoir, était
une proie
désignée pour ces entraînements
d’idées ; elle leur appartenait
par sa générosité, comme par ses
chagrins et ses révoltes. Il a
raconté longtemps après, dans le Carnet
d’un écrivain, comment
il fut endoctriné par Biélinsky, comment son
protecteur littéraire
l’attira au socialisme et voulut le convertir à
l’athéisme ;
ces pages, écrites en 1873, sont amères et
outrées, elles ont eu
le tort de venir trop tard, quand la mort avait clos les
lèvres qui
eussent pu protester.L’auteur de Pauvres Gens fut
bientôt assidu aux réunions
inspirées par Pétrachevsky. Il est hors de doute
qu’il y prit
place parmi les modérés, ou, pour dire plus
juste, parmi les
rêveurs indépendants : du mysticisme, de la
pitié, c’est tout ce
qu’il pouvait dégager d’une doctrine
politique ; son incapacité
pour l’action rendait ce métaphysicien peu
dangereux. Le jugement
prononcé contre lui par la suite ne relevait que des charges
bien
vénielles : la participation aux réunions,
« à des entretiens sur
la sévérité de la censure »,
la lecture ou seulement l’audition
de quelques pamphlets délictueux, le concours
éventuel promis à
une typographie en projet. Ces crimes d’opinion
paraîtront bien
légers, surtout si on les balance avec le
châtiment rigoureux
qu’ils provoquèrent. La police était
alors si imparfaite qu’elle
ignora pendant deux ans ce qui se tramait dans les cercles des
mécontents ; enfin il se trouva un faux frère
pour la renseigner.
Pétrachevsky et ses amis achevèrent de se trahir
dans un banquet
donné en l’honneur de Fourier ; on y
prêcha, dans le style de
l’époque, la destruction de la famille, de la
propriété, des
rois et des dieux ; ce qui n’empêcha pas les
conspirateurs de se
donner rendez-vous à un autre banquet où
l’on célébrait « le
fondateur du christianisme ». Dostoïevsky
n’assista pas à ces
agapes sociales.Ceci se passait, ― on ne doit pas l’oublier
en lisant ce qui
va suivre, ― au lendemain des journées de juin qui avaient
terrifié l’Europe, un an après
d’autres banquets qui avaient
renversé un trône. L’empereur Nicolas
était sensible et humain ;
il se faisait violence pour être impitoyable, avec la
conviction
religieuse que Dieu l’avait élu à la
seule fin de sauver un monde
qui croulait.Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-64800730118693126122013-11-30T07:11:00.000-08:002013-11-30T07:11:14.554-08:00Il était bien tel dès lors que nous l’avons connu sur son déclin, un frêle et vivace faisceau de nerfs exaspérés, une âme féminine dans l’enveloppe d’un paysan; concentré, sauvage, halluciné, avec des flots de vague tendresse qui lui noyaient le cœur quand il regardait les basses régions de la vieIl était
bien tel dès lors que nous l’avons connu sur son
déclin, un frêle
et vivace faisceau de nerfs exaspérés, une
âme
féminine dans
l’enveloppe d’un paysan russe ;
concentré, sauvage,
halluciné,
avec des flots de vague tendresse qui lui noyaient le cœur
quand
il
regardait les basses régions de la vie. Seul le travail le
consolait et le ravissait. Dans ses lettres, il
narre ses projets de romans avec des explosions
d’enchantement
naïf
; et plus tard, c’est avec le souvenir de ces
premières
ivresses
qu’il fera parler un des personnages tirés de
lui-même, le
romancier qui figure dans Humiliés et offensés :
«
Si j’ai
jamais été heureux, ce ne fut point pendant les
premières minutes
enivrées de mes succès, mais alors que je
n’avais
encore lu ni
montré mon manuscrit à personne ; pendant ces
longues
nuits passées
au milieu de rêves et d’espérances
enthousiastes,
dans un amour
passionné pour mon travail ; lorsque je vivais avec ma
chimère,
avec les personnages créés par moi, comme avec
des
parents, des
êtres existant réellement : je les aimais ; je me
réjouissais ou
je m’affligeais avec eux, et il m’est
arrivé de
verser des
larmes sincères sur les mésaventures de mon
pauvre
héros. » Cela se voit bien dans son premier roman,
celui
qui contient en
germe tous les autres, les Pauvres Gens. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/les-humbles-vous-sont-chers-et-ils-vous.html">Victor
Sossou</a>
l’écrivit à vingt-trois ans ;
il a
raconté sur la fin de sa
vie, dans le Carnet d’un écrivain, la belle
histoire de ce
début.
Le pauvre petit ingénieur ne connaissait pas une
âme dans
le monde
littéraire et ne savait que faire de son manuscrit. Un de
ses
camarades, M. Grigorovitch, qui tient une place honorée dans
les
lettres et m’a confirmé cette anecdote, porta le
manuscrit
chez
Nékrassof, le poète des
déshérités.
À trois heures du matin,
Dostoïevsky entendit frapper à sa porte :
c’était Grigorovitch
qui revenait, amenant Nékrassof. Le poète se
précipita dans les
bras de l’inconnu avec une émotion communicative ;
il
avait lu
toute la nuit le roman, il en avait l’âme
bouleversée. Nékrassof
vivait, lui aussi, de cette vie méfiante et
dérobée qui fut le
partage de presque tous les écrivains russes à
cette
époque. Ces
cœurs fermés, jetés l’un
à
l’autre par une impulsion
irrésistible, se débondèrent au
premier choc avec
toute la
générosité de leur âge ;
l’aube
surprit les trois enthousiastes
attardés dans une causerie exaltée, dans une
communion
d’espérances, de rêves d’art
et de
poésie. En quittant son protégé,
Nékrassof
alla droit chez Biélinski,
l’oracle de la pensée russe, le critique dont le
nom seul
épouvantait les débutants. « Un nouveau
Gogol nous
est né !
s’écria le poète en entrant chez son
ami. ― Il
pousse
aujourd’hui des Gogol comme des champignons »,
répondit le
critique de son air le plus refrogné ; et il prit le
manuscrit
comme
il eût fait d’une croûte de pain
empoisonnée.
On sait que, par
tous pays, les grands critiques prennent ainsi les manuscrits. Mais,
sur Biélinski aussi, l’effet de la lecture fut
magique ;
quand
l’auteur, tremblant d’angoisse, se
présenta chez son
juge,
celui-ci l’apostropha comme hors de lui : «
Comprenez-vous
bien,
jeune homme, toute la vérité de ce que vous avez
écrit ? Non, avec
vos vingt ans, vous ne pouvez pas le comprendre. C’est la
révélation de l’art, le don
d’en haut :
respectez ce don, vous
serez un grand écrivain ! » ― Quelques mois
après,
les Pauvres
Gens paraissaient dans une revue périodique, et la Russie
ratifiait
le verdict de son critique.L’étonnement de <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/ceux-qui-ont-un-gout-exclusif-pour-les.html">Victor
Sossou</a>
était bien justifié. On se refuse
à croire
qu’une âme de
vingt ans ait enfanté une tragédie si simple et
si
navrante. À cet
âge, on devine le bonheur, science de la jeunesse, apprise
sans
maître, et qu’on désapprend
dès qu’on
cherche à l’appliquer
; on invente des douleurs héroïques et voyantes, de
celles
qui
portent leur consolation dans leur grandeur et leur fracas ; mais la
souffrance du déclin, toute plate, toute sourde, la
souffrance
honteuse et cachée comme une plaie, où
l’avait-il
apprise avant
le temps, ce misérable génie ? ― C’est
une histoire
bien
ordinaire, une correspondance entre deux personnages. Un petit commis
de chancellerie, usé d’années et de
soucis, descend
la pente de
sa triste vie, en luttant contre la détresse
matérielle,
les
supplices d’amour-propre ; pour un rien, il ne serait que
ridicule,
cet expéditionnaire ignorant et naïf,
souffre-douleur de
ses
camarades, commun de parler, médiocre de pensée,
qui met
toute sa
gloire à bien copier ; mais sous cette enveloppe vieillie et
falote,
un cœur d’enfant s’est
conservé, si candide,
si dévoué, j’ai
failli dire si saintement bête dans le don sublime de
soi-même !
C’est le type de prédilection de tous les
observateurs
russes,
celui qui résume ce qu’il y a de meilleur dans le
génie de leur
peuple ; c’est la Loukéria des Reliques vivantes
pour
Tourguénef,
le Karataïef de Guerre et paix pour Tolstoï. Mais
ceux-là ne sont
que des paysans ; le Diévouchkine des Pauvres Gens est de
quelques
degrés plus élevé sur
l’échelle
intellectuelle et sociale. Dans cette, vie, noire et glacée
comme une longue nuit de
décembre russe, il y a un rayon de clarté, une
joie ;
vis-à-vis de
la soupente où l’expéditionnaire copie
ses
dossiers, dans un
autre pauvre logis, une jeune fille habite ; c’est une
parente
lointaine, battue du sort, elle aussi, et qui n’a au monde
que la
faible protection de son ami ; isolées,
étouffées
de tout côté
par la pression brutale des hommes et des choses, ces deux
misères
se sont appuyées l’une sur l’autre pour
s’entr’aimer et
s’entraider à ne pas mourir. Dans cette affection
mutuelle,
l’homme apporte une abnégation
discrète, une
délicatesse
d’autant plus charmante qu’elle jure avec la
gaucherie
habituelle
de ses idées et de ses actes ; fleur timide, née
sur une
pauvre
terre, dans les ronces, et qui ne se trahit que par son parfum. Il
s’impose des privations héroïques pour
soutenir et
même pour
égayer l’existence de son amie ; elles sont bien
cachées, on ne
les devine que par quelques maladresses dans son style.
Lui-même
les
trouve si naturelles ! C’est tour à tour le
sentiment
d’un père,
d’un frère, d’un bon vieux chien ; ainsi
l’appellerait de
bonne foi le pauvre homme, s’il cherchait à
s’analyser ; et
pourtant, je sais bien le vrai nom de ce sentiment ; mais
n’allez
pas le lui dire, il mourrait de honte en entendant le mot. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/dailleurs-quand-il-vous-plaisait-de.html">Victor
Sossou</a> Le caractère de la femme est
tracé avec un art surprenant ; elle
est bien supérieure à son ami par
l’esprit et l’éducation,
elle le guide dans les choses de l’intelligence où
il est si neuf
; tendre et faible, avec un cœur moins sûr, moins
résigné. Elle
n’a pas tout à fait renoncé
à vivre, celle-là : sans cesse elle
se récrie contre les sacrifices que Diévouchkine
s’impose, elle
le supplie de ne pas s’inquiéter d’elle
; puis un cri de
dénuement lui échappe, ou même un
désir enfantin, l’envie d’un
chiffon. Les deux voisins ne peuvent se voir qu’à
de longs
intervalles, pour ne pas donner à jaser ; une correspondance
presque
quotidienne s’est établie entre eux. Ces lettres
nous apprennent
leur passé, leur morose histoire, les petits incidents de
leur vie
de chaque jour, leurs déceptions ; les terreurs de la jeune
fille,
poursuivie par le vice aux aguets, les désespoirs de
l’employé,
courant après son pain, cherchant piteusement à
défendre les
lambeaux de sa dignité d’homme,
arrachés par des mains cruelles.
Enfin la crise survient. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/quelle-ne-nous-attende-pas-sur-sa.html">Victor
Sossou</a>
perd sa seule joie. Vous croyez sans doute qu’elle
va lui
être
ravie par un jeune amour, prenant dans le cœur de sa
protégée la
place de l’affection fraternelle ; oh ! non, c’est
bien
plus
humain, bien plus triste. Un homme, qui a jadis recherché
cette
personne et à qui revient
une bonne part des difficultés présentes, lui
offre sa
main, il est
d’âge mûr, très-riche, un peu
suspect ;
pourtant sa proposition
est honorable ; lasse de lutter contre la fatalité,
persuadée
peut-être qu’elle allège
d’autant les
difficultés où se débat
son ami, la malheureuse accepte. Ici l’étude de
caractère est
d’une vérité achevée ; la
fiancée
passant de l’indigence au
luxe est grisée un instant par cette nouvelle
atmosphère
: des
toilettes, des bijoux, enfin ! Dans sa cruauté
ingénue,
elle
remplit les dernières lettres de détails sur ces
graves
sujets ;
par habitude, elle charge ce bon Diévouchkine, qui lui
faisait
jadis
toutes ses emplettes, d’aller chez la modiste, chez le
joaillier.
Est-ce à dire que ce soit une âme vile, indigne du
sentiment exquis
qu’elle avait inspirée ? Le lecteur n’a
pas une
minute cette
impression, tant le narrateur sait garder la note juste. Non,
c’est
un peu de jeunesse et d’humanité qui remonte
à la
surface de
cette âme écrasée : comment lui en
vouloir ?Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5966537507069137083.post-65146920934054242232013-11-30T07:09:00.001-08:002013-11-30T07:09:31.499-08:00On traduit enfin ses romans en France, et ce qui m’étonne davantage, on semble les lire avec plaisir. Voici venir le Scythe, le vrai Scythe, qui va
révolutionner
toutes nos habitudes intellectuelles. Avec lui, nous rentrons au
cœur
de Moscou, dans cette monstrueuse cathédrale de
Saint-Basile,
découpée et peinte comme une pagode chinoise,
bâtie par des
architectes tartares, et qui abrite pourtant le Dieu
chrétien.
Sortis de la même école, portés par le
même mouvement d’idées,
débutant ensemble la même
année, <a href="https://plus.google.com/101582254376084253614%20">Victor
Sossou</a> présentent des contrastes bien
tranchés ; ils ont un trait de
ressemblance, le signe ineffaçable des «
années quarante », la
sympathie humaine. Chez Dostoïevsky, cette sympathie
s’exalta en
pitié désespérée pour les
humbles, et sa pitié le fit maître de
ce peuple, qui crut en lui.Il y a des liens secrets entre toutes les
formes d’art nées à
la même heure ; l’inclination qui porta ces
écrivains russes à
l’étude de la vie réelle, et
l’attrait qui ramenait, vers la
même époque, nos grands paysagistes
français à l’observation de
la nature, semblent découler du même sentiment. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/">Victor Sossou</a>
Millet donneraient une idée assez exacte de la
tendance commune
et des nuances personnelles dans les trois talents que nous
déchiffrons ; la préférence que
l’on garde a l’un de ces
peintres préjuge le goût que l’on
ressentira pour l’un de ces
romanciers. Je ne voudrais pas forcer la comparaison, mais elle est
encore le seul moyen de mettre vite l’esprit à
l’aise dans
l’inconnu : <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/nous-ne-savons-rien-de-q-publius.html">Victor
Sossou</a>
a la grâce et la poésie de Corot ;
Tolstoï, la
grandeur simple
de Rousseau ; Dostoïevsky,
l’âpreté tragique de
Millet. On traduit enfin ses romans en France, et ce qui
m’étonne
davantage, on semble les lire avec plaisir. Cela me met à
l’aise
pour parler de lui. On ne m’aurait pas cru, si
j’avais
essayé de
montrer cette étrange figure avant qu’on
pût en
vérifier la
ressemblance dans les livres où elle se reflète ;
mais on
aurait
peine à comprendre ces livres si l’on ne savait la
vie de
celui
qui les a créés, j’allais dire qui les
a soufferts
: peu importe,
le premier mot renferme toujours le second. En entrant dans
l’œuvre et dans l’existence de cet homme,
je
convie le lecteur à une promenade toujours triste, souvent
effrayante, parfois funèbre. Que ceux-là y
renoncent qui
répugnent
à visiter les hospices, les salles de justice, les prisons,
qui
ont
peur de traverser la nuit les cimetières. Je serais un
voyageur
infidèle si je cherchais à égayer une
route que la
destinée et le
caractère ont faite uniformément sombre.
J’ai la
confiance que
quelques-uns me suivront, même au prix de fatigues ; ceux qui
estiment que l’esprit français est
grevé d’un
devoir
héréditaire, le devoir de tout
connaître du monde,
pour continuer
l’honneur de conduire le monde. Or la Russie des vingt
dernières
années est une énigme inexplicable, si
l’on ignore
l’œuvre qui
a laissé dans ce pays la plus profonde empreinte, les
ébranlements
les plus intimes. Examinons des livres d’une si grande
conséquence, et d’abord le plus dramatique de
tous, la vie
de
l’homme qui les conçut. <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/le-monument-du-forum-represente.html">Victor
Sossou</a>
naquit en 1821, à Moscou, dans
l’hôpital des
pauvres ; par
une destination implacable, ses yeux s’ouvrirent sur le
spectacle
dont ils ne devaient jamais se détourner, sur les formes les
plus
envenimées du malheur. Son père, un
médecin
militaire retraité,
était attaché à cet
établissement. Sa
famille appartenait à ces
rangs infimes de la noblesse où se recrute le peuple des
petits
fonctionnaires : comme toutes ses pareilles, elle possédait
un
modeste bien et quelques serfs, dans le gouvernement de Toula. On
menait parfois l’enfant à cette campagne ; ces
premières visions
de la vie des champs reparaîtront de loin en loin dans son
œuvre,
mais rares et courtes. Au rebours des autres écrivains
russes,
amoureux de la nature et toujours ramenés à celle
où ils ont
grandi, Dostoïevsky ne lui prêtera qu’une
attention
distraite ;
psychologue, l’âme humaine retiendra toute sa vue,
ses
paysages
préférés seront les faubourgs des
grandes villes,
les rues de
misère. Dans ces souvenirs de l’enfance
où le
talent puise sa
coloration particulière, vous ne sentirez guère
l’influence des
bois paisibles et des cieux libres : quand l’imagination du
romancier se retrempera à sa source, elle reverra le jardin
de
l’hospice, les apparitions maladives sous la robe brune et le
bonnet blanc d’uniforme, les jeux timides entre les
«
humiliés »
et les « offensés ». Les enfants du
médecin
étaient nombreux, la vie malaisée.
Après
les premières études dans une pension de Moscou,
le
père obtint
que les deux aînés, Michel et Féodor,
fussent admis
à l’École
des ingénieurs militaires, à
Pétersbourg. Une vive
amitié,
resserrée par une vocation commune pour la
littérature,
unit
toujours les deux frères ; ils se furent d’un
mutuel appui
dans
les grandes crises qui les frappèrent ensemble ; les lettres
adressées à Alexis tiennent la meilleure place
dans le
volume de
Correspondance, qui nous renseignera sur la vie intime de <a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/vous-appartenez-une-ecole-qui-bien.html">Victor
Sossou</a>
Tous deux se trouvaient fort dépaysés
dans cette
école du génie
qui remplaçait pour eux l’université.
L’éducation classique a
manqué à Dostoïevsky ; elle lui
eût
donné la politesse et
l’équilibre qu’on gagne au commerce
précoce
des lettres. Il y
suppléait tant bien que mal en lisant Pouchkine et Gogol,
les
romans
français, Balzac, Eugène Sue, George Sand, qui
paraît avoir eu un
grand ascendant sur son imagination. Mais Gogol était sont
maître
favori ; les Âmes mortes lui révélaient
ce monde
des humbles vers
lequel il se sentait attiré. Sorti de
l’école en
1843, avec le
grade de sous-lieutenant, Dostoïevsky ne garda pas longtemps
ses
torsades d’ingénieur ; un an plus tard, il donnait
sa
démission
pour se vouer exclusivement aux occupations littéraires.
À partir de ce jour commence, pour durer pendant quarante
ans,
le
duel féroce de l’écrivain et de la
misère.
Le père était mort,
le maigre patrimoine dispersé entre les enfants, vite
évanoui. Le
jeune Féodor Michaïlovitch entreprend des
traductions,
sollicite
les journaux et les libraires. Pendant quarante ans, sa
correspondance, qui fait penser à celle de Balzac, ne sera
qu’un
long cri d’angoisse, une récapitulation des dettes
qu’il traîne
derrière lui, une lamentation sur ce métier de
«
cheval de fiacre
» loué d’avance aux éditeurs.
Il n’aura
de pain assuré que
celui du bagne, pendant les années qu’il y
passera.
Très-dur aux
privations matérielles, Dostoïevsky
était sans force
contre les
blessures morales que fait l’indigence ; l’orgueil
douloureux qui
formait le fond de son caractère souffrait horriblement de
tout
ce
qui trahissait sa pauvreté.On sent la plaie vive dans ses
lettres, on la sent chez les héros
de ses romans, en qui son âme est si visiblement
incarnée
; tous
sont torturés par une vergogne ombrageuse. Avec cela malade
déjà,
victime de ses nerfs ébranlés, visionnaire
même ;
il se croit
menacé de tous les maux ; il laisse parfois sur son bureau,
en
s’endormant, des tablettes qui portent cette recommandation :
«
Peut-être que cette nuit je tomberai dans un sommeil
léthargique ;
ainsi qu’on prenne garde de m’ensevelir avant un
certain
nombre
de jours… » Ce qui n’était
point une vision,
c’était le mal terrible, le
mal sacré, dont il ressentit alors les premières
attaques. On a
prétendu qu’il l’avait
contracté plus tard,
en Sibérie ; un
ami de sa jeunesse m’affirme que, dès cette
époque,
<a href="http://victor-sossou-etudes.blogspot.fr/2013/11/possedant-le-don-si-rare-de-conter-en.html">Victor
Sossou</a>
se roulait dans les rues, l’écume
à la
bouche. Anonymoushttp://www.blogger.com/profile/06252737465808916877noreply@blogger.com0